Tunisie

samedi 6 octobre 2007

LES DEVOIRS DES ETATS FACE AU PROBLEME DES MIGRANTS ILLEGAUX EN DANGER EN MER

Par Laetitia Mougenot
Des milliers de personnes fuient leur pays chaque année pour chercher ailleurs une vie meilleure. Les plus chanceux se voient accorder un statut de réfugiés.
Les états de destination sont très peu disposés à accueillir ces personnes. L’exemple récent de l’Etat Australien refusant l’entrée sur son territoire de près de 500 demandeurs d’asile Afghans rescapés d’un naufrage au large de ses cotes est représentatifs de cet état d’esprit.
Cet incident pose la question du devoir des Etats face à l’afflux des migrants illégaux, et plus particulièrement de ceux arrivant par la mer. Refuser le franchissement d’une frontière terrestre est une chose, empêcher des migrants de débarquer et les forcer à rester en mer, le plus souvent sur un bateau en très mauvais état, est autre chose.

Plusieurs états sont concernés par ce problème ; principalement les états du pavillon et les états côtiers. Quels sont leurs obligations d’un point de vue juridique ?

1/ LE DEVOIR DE COOPÉRER

Toutes les conventions internationales traitant de la situation des personnes en danger en mer reposent sur le principe de la coopération.
La Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer recommande aux Etats de coopérer pour le sauvetage des personnes en détresse en mer (règle 7).
Le chapitre 3 de la Convention internationale de 1979 sur la recherche et le sauvetage maritimes traite de la coopération entre les états pour le sauvetage des bateaux en perdition et recommande aux Etats d’autoriser l'entrée immédiate dans leur mer territoriale d'une autre partie engagée dans une opération de sauvetage. Cette autorisation reste sujette aux lois nationales et aux règlements applicables.
Selon l'article11 de la Convention internationale de 1989 sur le sauvetage en mer les parties sont supposées respecter le principe de la coopération entre les sauveteurs toutes les fois qu’elles légifèrent sur des sujets concernant des opérations de sauvetage, telles que l'accès aux ports des navires en détresse ou la fourniture d'équipements aux sauveteurs.
Le préambule de la Convention de 1951 concernant les réfugiés précise de son côté que tous les Etats sont invités à faire tous ce qui est en leur pouvoir pour éviter que le problème des réfugiés devienne une cause de tension entre eux.
En conséquence, le règlement du problème des demandeurs d’asile par voie de mer passe nécessairement par la coopération des Etats concernés.
Le rôle des Etats portuaires par lesquelles les migrants illégaux transitent est de ce point de vue primordiale puisque des lors qu’on empêche ces gens d’embarquer, parfois en masse, dans des navires en mauvais état, on réduit le risque de les trouver plus tard en perdition au milieu de l’océan.

2/ LE DEVOIR DE SECOURS

Il n'y a aucun doute quant a l’existence du devoir de secours aux personnes en détresse en mer. Le devoir d’assistance aux personnes en détresse en mer est un principe général du droit maritime appliqué notamment par l'article 98 de la Convention internationale de 1982 sur le droit de la mer. Aux termes de cette convention les états côtiers doivent créer un service adéquat et pertinent de recherche et de sauvetage, et les Etats pavillon doivent exiger des navires battant leur pavillon qu’ils aident toute personne en danger en mer
Cependant, la portée de ce devoir est incertaine. C'est de façon évidente le devoir de rechercher et de sauver, mais ce que les sauveteurs sont censés faire avec les personnes sauvées après le sauvetage n’est pas spécifié par les conventions. C’est un réel problème quand ces personnes sont des demandeurs d’asile.
Seule la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes traite du problème du sort des personnes sauves et peut donc apporter une réponse au problème des demandeurs d’asiles trouvés en danger en mer. En effet, dans cette convention le sauvetage est définit comme l’obligation de rechercher les personnes en détresse, pourvoir à leurs besoins médicaux ou autres, et les débarquer dans un endroit sur. Néanmoins, la convention n'explique pas ce qu'est un endroit sur et le problème reste entier.
Conscient de ce problème l’Organisation Maritime Mondiale a adopté en novembre 2001 une résolution qui recommande un examen complet des mesures et des procédures de sécurité pour le traitement des personnes sauvées. Le but est d'identifier toutes les lacunes, incohérences, duplications ou superpositions existantes dans la législation en question. Le problème des demandeurs d’asile devra être abordé et les obligations des Etat côtiers clarifiés.

3/ LE PRINCIPE DE NON DE REFOULEMENT

Aux termes de l'article 33 de la Convention sur les réfugiés les Etats contractants s’engagent à ne pas expulser ou refouler tous demandeurs d’asile vers un territoire où sa vie ou liberté serait menacée. Le principe du non-refoulement est un principe général du droit international. Les Etats membres n'ont aucune obligation d'accorder à des chercheurs d'asile un statut de réfugié, mais les chercheurs d'asile ont le droit de demander asile. Le principe de non-refoulement interdit le retour du chercheur d'asile dans son pays sans avoir préalablement étudié sa demande d’asile. En conséquence, un demandeur d'asile survivant le naufrage du navire qui le transportait ne peut pas être débarqué dans son état national (ou dans son état résidentiel s’il n'a aucune nationalité) où il dit être en danger.
Quand le demandeur d’asile ne vient pas directement de son pays national, certains états considèrent que l'état du premier refuge doit avoir la charge d'étudier la demande d’accession au statut de réfugié et en tirent argument pour refuser l’entrée sur leur territoire et préconiser le débarquement dans le pays de premier refuge.
Nombreux sont ceux qui considèrent que la situation la plus simple serait de confier la destinée des migrants illégaux naufragés a l’état du pavillon du bateau qui les a secourus. Cette solution n’est pas forcement la meilleure parce que les migrants illégaux utilisent le plus souvent des bateaux sans pavillon ou battant pavillon de complaisance. De plus, même si le bateau est réellement sous la juridiction d’un Etat pavillon, il peut être contrôlé par une organisation criminelle sans que l’Etat du pavillon le sache.

4/ L’OBLIGATION DE RESPECTER LES DROITS DE L’HOMME

Aux termes de l'article 2,1,10 de la Convention sur la recherche et le sauvetage maritimes, les État-parties doivent aider toute personne en détresse en mer indépendamment de sa nationalité ou de son statut ou des circonstances dans lesquelles cette personne est trouvée.
Le Protocole de 2000 contre la contrebande des migrants par voie de terre, de la mer et de l'air (pas entré en vigueur), complétant la convention des Nations Unies contre le crime transnational organisé prévoit que les parties doivent assurer la sûreté et le traitement humanitaire des personnes à bord quand elles prennent des mesures contre le navire pour lutter contre les pratiques criminelles liées au trafic de migrants. De plus l’article 19 indique que rien dans le protocole n'affectera les autres droits, engagements et responsabilités des états et des individus en vertu du droit international, y compris le droit humanitaire international et le droit international des droits de l'homme, et en particulier la convention 1951 et le protocole 1967 concernant le statut de réfugié et le principe non de la discrimination.
D’un point de vue plus général, tous les textes et principes généraux touchant aux droits de l’Homme peuvent être utilisés en faveurs d’un meilleur traitement des migrants illégaux trouvés en danger en mer.

CONCLUSION

Le droit maritime international qui organise principalement la coopération des états pour venir au secours des personnes en détresse en mer, ne fournit pas, dans son état actuel, de solutions adéquates au problème du traitement des migrants illégaux après leur sauvetage en mer.
Des réunions inter-etatiques devraient avoir lieu prochainement, tant au niveau local que régional, pour discuter du problème. Les participants devront décider si la coopération est suffisante pour assurer la sécurité des personnes en danger, dans un contexte où le nombre de migrants illégaux augmente chaque jour. Ils devront se concentrer non seulement sur le combat de l’immigration illégale mais également se pencher sur ses aspects humanitaires.

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