Tunisie

mardi 2 octobre 2007

Actualité jurisprudentielle

Essai transformé sur la responsabilité !

Cass. Assemblée plénière, 29 juin 2007.

Le rugby n'est décidément pas seulement un sport porteur d'images de fair-play et de franche camaraderie. Le juriste y verrait plutôt une source inépuisable de jurisprudence en matière de responsabilité du fait d'autrui. Les premiers arrêts célèbres en la matière furent ceux de la deuxième chambre civile, le 22 mai 1995. Les juges affirmaient alors que « les associations sportives (la portée de ces décisions n’est donc pas limitée au monde de l’ovalie...) ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent sont responsables, au sens de l'article 1384, alinéa premier, du Code civil, des dommages qu'ils causent à cette occasion. » La formule était suffisamment large pour produire toute son ampleur en de nombreuses hypothèses, que le joueur à l'origine du dommage soit ou non identifié. Mais, s'est par ailleurs posé la question des conditions de cette responsabilité. La jurisprudence a ici connu quelques incertitudes. Une décision du 20 novembre 2003, rendue par la deuxième chambre civile, considérait que cette responsabilité pouvait être engagée « sans qu'il soit besoin de rapporter la preuve d'un fait fautif ou intentionnel ». Mais, cette même chambre prenait une position différente quelques mois plus tard, en indiquant que la responsabilité de l'association sportive ne pouvait être engagée qu'en cas de faute consistant en une violation des règles du jeu commise par un ou plusieurs joueurs, même non identifiés (Civ. 2ème 13 mai 2004). C'est dans cette même affaire que l'Assemblée plénière vient de confirmer cette solution en cassant de nouveau l'arrêt rendu sur renvoi. Avec cette décision rendue au plus haut niveau, la jurisprudence en matière de responsabilité civile pour autrui est peut-être enfin construite... Du moins pour le rugby…




Un débiteur averti...

Cass. ch. mixte, 29 juin 2007 (2 arrêts).

Après une longue période de jurisprudence fluctuante, la Cour de cassation vient de confirmer les solutions concordantes que la première chambre civile et la chambre commerciale avait adopté en 2005 au sujet du devoir de mise en garde du banquier. À l'origine, la première chambre civile (Cass. civ. 1ère, 8 juin 2004) considérait que la banque avait un devoir de conseil envers l'emprunteur agissant pour les besoins de sa vie privée, quelles que soient les informations détenues par celui-ci et la conscience qu'il pouvait avoir du risque d'endettement. En revanche, la chambre commerciale (Cass. com., 24 septembre 2003) considérait le devoir de conseil ne s'imposant au banquier qu'en cas d'informations détenues par lui et ignorées par le débiteur sur la fragilité de sa situation financière. Mais par une série d'arrêt récents, les positions des deux chambres se sont rapprochées (voir Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2005, cinq arrêts, Cass. com., 3 mai 2006, trois arrêts, Cass. com., 20 juin 2006, Cass. civ. 1ère, 27 juin 2006). Ces jurisprudences traitent désormais de l'obligation de mise en garde du banquier, l'existence d'une telle obligation découlant alors du caractère averti ou profane de l'emprunteur. Les deux arrêts de chambre mixte du 29 juin 2007, en adoptant un attendu rigoureusement identique, font figure d'arrêts de principe venant unifier et stabiliser la jurisprudence. La règle adoptée peut ainsi être formulée : la banque doit préciser si le débiteur est profane et, dans l'affirmative, conformément au devoir de mise en garde auquel elle est tenue à son égard lors de la conclusion du contrat, justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières du débiteur et du risque d'endettement né de l'octroi du prêt. Il apparaît donc que désormais la Cour de cassation se fonde sur l'obligation de mise en garde pour engager la responsabilité de la banque. Mise en relation avec le devoir de conseil auquel il était auparavant fait référence, l'obligation de mise en garde semble plus à même de permettre le respect du principe de non immixtion du banquier dans les affaires de son client. Son appréciation est liée à deux critères relativement objectifs : la capacité financière et le risque d'endettement. L'obligation de mise en garde est finalement l'information transmise sur ces deux points par le banquier à son client. Quant à ce dernier, il pourra réclamer le bénéfice de cette obligation dans la mesure où il est un débiteur non averti, ou profane. Cette notion nous renvoie directement à l'ancienne conception du consommateur, comme étant celui qui contracte en dehors de son domaine de spécialité. L'obligation de mise en garde dépend non pas du motif justifiant la conclusion du contrat, mais des compétences du débiteur en matière de crédit.




Pas de diligences attendues ; pas de péremption encourue !

Cass. civ. 2ème, 12 juillet 2007.

La péremption d'instance est une exception de procédure qui peut être soulevée avant tout autre moyen (article 388 du Nouveau Code de Procédure Civile), lorsque l'adversaire à laissé s'écouler un délai de deux ans sans accomplir aucun acte de procédure (article 386 du Nouveau Code de Procédure Civile). C'est bien ce qui semblait être intervenu en l'espèce, puisque c'était un délai de deux ans et deux mois durant lesquels s'était poursuivie l'inactivité procédurale. Mais, si la péremption d'instance est encourue de droit, encore faut-il que cette absence de diligences soit du fait de l'adversaire à qui ont la reproche. Or en l'espèce, il s'agissait d'une action en fixation d'honoraires dans le cadre de laquelle la décision du bâtonnier (compétent en première instance pour les questions de contestation d'honoraires) faisait l'objet d'un appel devant le premier président de la Cour d'appel (article 176 du décret du 27 novembre 1971). Les parties n'ayant pas été convoquées par le greffe, elles ne pouvaient pallier à la défaillance de ce dernier et en conséquence n'accomplir aucune diligence de nature à permettre la poursuite de la procédure. Ainsi donc, lorsque les parties ne sont pas maître à bord du navire-procédure, on ne peut leur imputer sa dérive.




Naissance d'une tierce action en nullité des contrats administratifs.

CE Ass., 16 juillet 2007.

La question du recours exercé par les tiers contre les contrats administratifs pris en leur défaveur à une influence importante sur une notion souvent évoquée pour commenter les décisions de jurisprudence : la sécurité juridique. En l'espèce, la décision du Conseil d'Etat est remarquable de ce point de vue dans deux domaines. D'une part, elle remet en cause le fond du droit en modifiant les conditions nécessaires pour exercer un recours en annulation contre un contrat administratif. D'autre part, elle prend position quant aux effets dans le temps d'un tel revirement de jurisprudence. Concernant l'accès des tiers aux actions contractuelles en annulation, il a été établi de façon constante qu'un recours en annulation contre un contrat administratif ne peut être exercé que par les parties. C'est pourquoi l'arrêt du 16 juillet 2007 constitue une position nouvelle en admettant qu'un tiers puisse agir en nullité. Toutefois, la remise en cause d'un contrat administratif par un tiers n'est possible qu'à certaines conditions, préservant ainsi une partie de la sécurité de la transaction. Seul le tiers ayant la qualité de concurrent évincé pourra agir dans un délai de deux mois à compter de la conclusion du contrat. Par ailleurs, un tel recours étant désormais possible, le tiers ne pourra plus bénéficier du droit de contester les actes antérieurs détachables du contrat. Cette action constituait auparavant le moyen détourné pour agir de la part des tiers. Notons de plus que le juge dispose d'une gamme de sanctions dont la nullité n'est que le dernier stade. Il est possible de maintenir le contrat en accordant des indemnités aux tiers, de poursuivre son exécution après régularisation, d'imposer des modifications, ou de simplement le résilier (les effets passés du contrat sont alors maintenus). Cette décision présente par ailleurs un intérêt procédural. Elle prend position quant aux effets dans le temps d'un revirement de jurisprudence. La doctrine et la pratique s'accordent généralement à lui reconnaître un caractère rétroactif. Mais la nécessité d'assurer là encore une certaine stabilité contractuelle, source de sécurité, a conduit le Conseil d'Etat à tenir le raisonnement suivant : les nouvelles règles quant aux droits de recours des tiers sont-elles compatibles avec l'existence d'un droit au recours ? La réponse étant positive, la solution retenue peut être mise en oeuvre dans tous les litiges. En revanche, cette position conduit à permettre des recours qui ne l'étaient pas auparavant. Par suite, l'effet de la nouvelle décision est limité aux contrats conclus après sa date, ou lorsqu'une action à laquelle elle s'applique a déjà été engagée.



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