TUNIS — Ben Ali dans le coma: ce n'est que "justice" et "bon débarras" disent des Tunisiens, un mois après la fuite du président déchu sous la pression de la rue, plutôt opposée à ce que sa dépouille repose dans son pays s'il venait à mourir.
"Si sa mort se confirme, je dis sans esprit de vengeance que la punition divine est vite tombée", réagit Amin, étudiant de 25 ans, après l'annonce jeudi par un proche de sa famille que Zine El Abidine Ben Ali, 74 ans, est tombé dans le coma il y a deux jours à Jeddah après un accident vasculaire cérébral (AVC).
Son hospitalisation prouve qu'il "y a une justice sur terre", juge également le juriste Yadh Ben Achour, président de la commission nationale chargée de mener les réformes politiques en vue des premières élections libres prévues dans six mois.
Après 23 ans de pouvoir autoritaire, où opposants, société civile, journalistes ont été muselés d'une main de fer, Zine El Abidine Ben Ali, 74 ans, avait fui son pays en Arabie saoudite le 14 janvier après près d'un mois de contestation populaire sans précédent réprimée dans le sang au prix de plusieurs dizaines de morts.
"C'est le sort de tous les dictateurs dans le monde", déclare l'un des plus célèbres opposants tunisiens, le communiste Hama Hammami.
Les Tunisois, encore ivres de liberté, étaient partagés entre soulagement à l'idée de le voir disparaître pour de bon et indifférence face au destin d'un homme qui pour la majorité d'entre-eux appartient désormais au passé.
"S'il meurt, c'est un dictateur qui est parti et je dis bon débarras. On tourne la page, on a d'autres choses à faire dans ce pays", dit Adel, enseignant de 50 ans. "La révolution l'a chassé. Il est déjà mort pour nous, pourquoi se fixer sur son sort", interroge la lycéenne Anissa, 16 ans.
Mais pour d'autres la disparition possible de Ben Ali ne met pas fin au souvenir de ces années de vie sous la surveillance de la police omniprésente qui a envoyé des dizaines de milliers de personnes en prison.
"Je ne pourrais pas l'oublier, il est encore en nous, il fait partie de notre passé et il vivra encore longtemps en nous", explique le journaliste dissident Taoufik Ben Brik, qui a connu les geôles du régime pour ses articles critiques.
Déjà se pose la question de savoir quoi faire de sa dépouille en cas de décès alors que la rumeur sur sa mort circule.
"Je refuse que notre terre bien aimée soit souillée", lance Adel l'enseignant. "Je vois mal le peuple accepter qu'il soit enterré ici, le sang des martyrs tués par les snipers de Ben ali n'a pas encore séché", dit Sabri Hmaidi, enseignant de 45 ans, en allusion aux plus de 200 personnes tuées lors de la contestation contre le régime en décembre et en janvier.
D'autres se montraient plus détachés. "Je ne vois pas de problème à ce qu'il soit enterré en Tunisie, nous sommes des musulmans tolérants", avance la lycéenne Maya Sanjahi, 17 ans.
Le gouvernement devait évoquer vendredi en Conseil des ministres l'état de santé de l'ancien président dont la chute a provoqué un vent de révolution dans le monde arabe.
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Il était tant!
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