Anne Muxart
Doctorante en droit international public à Paris 1 (Panthéon-Sorbonne)
Chargée de travaux dirigés à l'Université de Paris XI et à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne
Résumé : Les arrêts rendus dans l'Affaire Pinochet font partie de ces quelques décisions judiciaires dont l'enjeu dépasse largement le simple rendu de la Justice. En effet, ces décisions illustrent de façon éclairante deux notions dont le maniement est extrêmement délicat en droit international public, à savoir l'immunité dont pourrait se prévaloir un ex-Chef d'Etat et le concept de compétence universelle en matière répressive.
Le 16 octobre 1998, l'ancien dictateur Augusto Pinochet qui s'était rendu à Londres pour se faire opérer d'une hernie discale, est arrêté par la Police britannique sous couvert d'un mandat d'arrêt international lancé par deux juges espagnols pour génocide, pratiques terroristes et actes de torture à l'encontre notamment de personnes de nationalité espagnole. Le 26 octobre, l'Office Fédéral de la Police suisse demande à son tour à la Grande-Bretagne le maintien en détention provisoire de l'ex-dictateur du Chili pour enlèvement, torture et meurtre d'un citoyen de la Confédération et ceci en vue de son extradition vers la Suisse. Simultanément, la justice suédoise est saisie de plaintes déposées par huit exilés chiliens et à Londres même, d'anciennes victimes chiliennes du Général, exilées dans la capitale britannique déposent une requête en vue d'obtenir le jugement de ce dernier en Grande-Bretagne (1). Le même jour, une série de plaintes est déposée devant le Tribunal de Grande instance de Paris par des familles de victimes françaises pour des faits "d'assassinats, de détention, de séquestration, de torture, d'actes de barbarie et de crimes contre l'humanité". Le 2 novembre, un premier mandat d'arrêt international pour "séquestration et torture" est lancé par un juge d'instruction français contre le Général Pinochet. La demande d'extradition suit le 12 novembre. Le 20 novembre, un deuxième mandat est délivré par la France contre l'ancien dictateur concernant la disparition de deux français. La Belgique, l'Italie et le Luxembourg annoncent à leur tour, fin octobre, le dépôt de plaintes contre l'ancien chef de la junte militaire chilienne. Ces dernières ne sont pas encore, à l'heure actuelle, assorties de demandes d'extradition.
L'arrestation du Général Pinochet constitue sans aucun doute pour les victimes ou les parents des victimes de l'ancien bourreau qui ont subi 17 ans de dictature, un formidable espoir de justice ainsi que la certitude de connaître enfin la vérité. Les lois d'amnistie votées au Chili au bénéfice des membres de la junte avaient en effet dressé un mur infranchissable contre la manifestation de cette vérité en contribuant à museler la mémoire collective. L'impunité dont bénéficiait le bourreau d'hier, plaçait les victimes ou leurs proches dans l'impossibilité de connaître les faits passés, d'identifier les responsabilités et de punir les coupables. En cela déjà, la mise aux arrêts de l'ancien dictateur constitue pour elles, un pas en avant.
Au-delà de cette quête élémentaire de justice que symbolise pour les victimes l'arrestation de Pinochet, cette affaire représente aussi pour le juriste internationaliste une illustration de deux concepts juridiques dont le maniement est extrêmement délicat en droit international public, à savoir l'immunité d'un ex-chef d'État et la notion de compétence universelle en droit pénal international. C'est sur le premier concept que se sont penchées le 28 octobre, la High Court of Justice britannique et le 25 novembre, en appel, la House of Lords. Si le Royaume Uni fait droit à la demande d'extradition du Général Pinochet déposée par les deux juges espagnols, c'est sur les deux concepts que se prononceront les tribunaux ibériques.
La doctrine et la pratique étant peu prolixe sur ces sujets, le traitement donné à cette affaire par des juridictions nationales de pays à l'origine du droit des gens et ayant, par tradition, fortement contribué à l'essor du concept des droits de l'homme, constitue une source inestimable pour la compréhension et le développement de ces deux notions.
I. L'immunité d'un ex-chef d'État devant des juridictions étrangères
Ancien dictateur reconverti dans l'activité sénatoriale à vie, Augusto Pinochet ne cesse de revendiquer l'immunité diplomatique dont, selon lui, il jouirait en Grande-Bretagne et qui empêcherait qu'il soit arrêté ou poursuivi devant les tribunaux de cet État. Au titre de son ancienne fonction, il réclame le bénéfice du statut privilégié du chef d'État.
A. Le statut privilégié
1. Notion
La fonction de chef d'État a un contenu symbolique très fort qui se manifeste, à l'étranger, dans les égards protocolaires et les immunités dont il est titulaire au titre de son statut. Contrairement à toute personne étrangère qui, se trouvant sur le territoire d'un État dont il n'a pas la nationalité, a l'obligation de respecter les lois de cet État et est soumis à sa juridiction, le chef d'État bénéficie d'un traitement spécial qui le met à l'abri des sanctions de la loi étrangère et de tout contrôle juridictionnel des tribunaux locaux. Ce statut privilégié a pour fondement l'indépendance nécessaire qui doit être reconnue au chef d'État étranger ainsi que le respect dû à sa fonction. "On doit respecter en sa personne la souveraineté de l'État" étranger (2). Le droit international, dans ce domaine, trouve ses racines dans une conception très ancienne des relations entre l'État et son souverain : la théorie et la pratique voulaient à l'origine que le souverain et l'État ne fassent qu'un. Ainsi, tous les actes commis par le souverain étaient considérés comme commis par l'État. La maxime "par in parem non habet imperium" rappelait à cet égard que tous les États étaient égaux. En ce sens, l'idée même qu'un souverain puisse être soumis au système légal national d'un autre souverain était considérée comme un affront fait à ce principe d'égalité et à l'État étranger lui-même.
Aujourd'hui les chefs d'État ne sont plus appréhendés comme pouvant être identifiés à leur État, même si dans certaines situations cérémonielles ou diplomatiques, ils sont perçus comme la personnification de leur État. L'immunité dont le chef d'État bénéficie est donc distinguable de l'immunité souveraine reconnue à l'État. Cette évolution trouve son fondement dans le développement des activités commerciales accomplies par les États étrangers hors de leur territoire. Il apparaissait en effet peu équitable que les actes commerciaux effectués par un État à l'étranger échappent au contrôle juridictionnel des tribunaux locaux. Pour de tels actes, on considère depuis la première guerre mondiale, que l'État ne bénéficie plus d'une immunité souveraine absolue mais d'une immunité restreinte. Partant, l'immunité du chef d'État a évolué au regard de l'immunité souveraine. Même si l'immunité du chef de l'exécutif continue à partager des traits communs avec l'immunité souveraine, sa détermination n'est plus guidée par un cadre légal identique à celui gouvernant l'immunité des États. L'immunité du chef d'État met en avant des considérations uniques qui requièrent une approche différente. Toutefois cette approche reste relativement floue puisque aucune définition universellement acceptée de la doctrine de l'immunité du chef d'État n'existe à l'heure actuelle. On ne peut rendre compte que de certaines tendances, la nature et le degré des immunités dues aux dirigeants variant dans la pratique.
2. La nature incertaine de ce statut
Lorsque l'ex-dictateur Pinochet est arrivé à Londres pour subir une intervention chirurgicale, il est entré sur le sol britannique pour un acte de nature privée mais avec un passeport diplomatique qui lui avait été accordé par le Chili au titre de sa fonction de sénateur à vie. Dans les premiers jours de son arrestation, les autorités britanniques ont considéré ce passeport diplomatique sans valeur 3). La High Court of Justice en a décidé autrement le 28 octobre 1998 en jugeant qu'Augusto Pinochet bénéficiait "en tant qu'ancien chef d'un État souverain, de l'immunité diplomatique pour toute procédure civile et criminelle devant les tribunaux anglais" 4).
Une telle décision a bien sûr été fortement décriée par les victimes de Pinochet et les défenseurs des droits de l'homme. Elle a cependant le mérite de mettre en lumière, par son absence de définition du contenu de l'immunité due à un chef d'État ou à un ex-chef d'État ainsi que des règles conventionnelles ou coutumières qui fondent ces immunités, la difficulté qu'il y a à définir le statut d'un ex-dirigeant poursuivi devant des juridictions étrangères.
Cette question du statut de l'ex-chef de l'exécutif d'un État, bien que peu débattue en doctrine, n'en demeure pas moins fondamentale en matière juridictionnelle. Un nombre croissant d'anciens leaders poursuivis devant des juridictions étrangères s'en sont prévalus ou s'en prévalent encore pour tenter d'échapper à la justice (5). Ce moyen de défense reste cependant très délicat à mettre en oeuvre. Peu nombreuses sont en effet, les affaires qui ont reconnu cette immunité à un ex-chef d'État (6).
Si les décisions judiciaires sont peu prolixes sur ce sujet, il convient de souligner que les conventions et la coutume internationales brillent elles aussi par leur relatif mutisme en ce domaine. Il faut dire que le statut juridique du chef de l'État lui-même, lorsqu'il est en fonction, n'a, jusqu'à ce jour, fait l'objet d'aucune convention. Aucun texte au niveau international ne définit à proprement parler la position légale du chef d'État et les privilèges et immunités dont il bénéficie. Cependant, ces privilèges et immunités existent incontestablement mais les rares conventions qui y font référence s'abstiennent de les définir. Tout au plus peut-on citer l'article 1§1 alinéa a) de la Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (1973), qui inclue le chef d'État dans sa définition des personnes que l'on doit considérer comme internationalement protégées (7). La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 ne mentionne pas expressément le chef d'État. On considère cependant que, par analogie, certaines des règles qui y figurent peuvent valablement bénéficier aux chefs d'État. Finalement, seuls le Projet d'articles sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens adopté par la Commission du droit international en 1991 (articles 2§1 alinéa b et 3§2) (8) et la Convention sur les missions spéciales de 1969 adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies (article 21) (9) font une référence expresse au statut privilégié dont dispose le chef d'État en fonction. Cette référence postule donc implicitement que la matière existe et relève du droit coutumier. On s'accorde ainsi à reconnaître au chef d'État en fonction de larges immunités aussi bien devant les juridictions civiles, administratives que répressives de l'État étranger. Ceci ne signifie cependant pas que le chef d'État bénéficie du même degré d'immunité devant ces trois types de juridictions. En effet, l'immunité civile du représentant suprême de l'État ne fait pas l'objet de la même unanimité que ses immunités administrative ou pénale. En ce qui concerne cette dernière, elle est considérée comme absolue par l'ensemble de la doctrine. Le chef de l'État étranger bénéficie donc d'une immunité de juridiction pénale totale à l'étranger (10).
Si la coutume internationale semble avoir posé quelques jalons incontestés en matière d'immunité du chef d'État en fonction, il n'en va pas de même en ce qui concerne l'ex-chef de l'État. Le statut juridique de ce dernier est en effet grandement marqué par le sceau de l'incertitude. Aucune convention internationale n'y fait référence, la coutume reste relativement floue sur la question et les décisions judiciaires sont peu nombreuses et souvent contradictoires, les tribunaux saisis ayant contribué à fortement individualiser le statut de l'ex-chef d'État en considérant - semble-t-il - chaque cas comme sui generis. On peut néanmoins tenter de dégager un certain nombre de principes de droit international qui s'appliquent en cette matière. Ratione temporis, l'immunité juridictionnelle de l'ex-dirigeant de l'État ne subsiste dans les faits que tant que persiste la situation fonctionnelle qui la légitime. Cela signifie que si la pratique connaît le maintien de certains honneurs ou privilèges au profit de l'ancien chef d'État (comme par exemple le fait de traiter le Général Pinochet à son arrivée en Grande Bretagne comme un "VIP" en organisant une réception de bienvenue en son honneur (11)), il ne s'agit que d'un usage de pure courtoisie qui ne correspond à aucune obligation juridique. Comme pour l'ambassadeur, la perte de la fonction entraîne la disparition des immunités ratione personae du chef d'État. Ne subsiste que son immunité ratione materiae c'est-à-dire celle qui s'attache aux actes officiels qu'il a accompli dans l'exercice de ses fonctions. Aussi peut-il être poursuivi devant les tribunaux étrangers pour tout acte privé commis par lui et ceci même lorsqu'il était en fonction. Ainsi, les tribunaux anglais, dans l'arrêt Munden v. Duke of Brunswick (12) n'avaient pas accepté qu'un ex-chef d'État se prévale de son immunité dans une affaire de contrat privé auquel celui-ci était partie, alors même que le contrat en question avait été conclu lorsqu'il occupait encore ses fonctions. Toutefois, cette immunité persiste pour tous les actes publics réalisés par le chef de l'État dans le cadre de ses fonctions officielles. De tels actes ne peuvent faire l'objet de poursuites même après que ce dernier ait cessé ses fonctions (13).
En pratique, la distinction entre les actes publics et privés d'un ancien dirigeant est loin d'être claire et explique ainsi le caractère contradictoire des différentes décisions des tribunaux étatiques en la matière. En l'espèce, les crimes qui sont reprochés à l'ex-dictateur Pinochet (crime de génocide, torture, prise d'otages,...) sont des actes qu'il aurait commis ou fait commettre dans l'exercice de ses fonctions présidentielles. Est-ce à dire que ces actes peuvent être considérés comme des actes publics ? Selon certains auteurs (14), le test qui permettrait d'effectuer la distinction entre acte privé et acte public du chef de l'État en fonction réside dans le fait de savoir si cet acte, bien qu'illégal, a ou non été pris dans le cadre de ses pouvoirs publics. S'il l'a été, l'individu devrait pouvoir bénéficier de l'immunité. S'il ne l'a pas été, la personne ne devrait pas pouvoir se prévaloir de l'immunité du chef d'État.
Dans l'affaire Pinochet, il va sans dire que les actes de torture, de prise d'otages, ... bien qu'illégaux au regard de la loi chilienne, avaient été autorisés par son représentant suprême dans le cadre de ses pouvoirs de chef d'État et avaient été accompli dans l'exercice de ses fonctions officielles. Pinochet devrait-il alors pouvoir bénéficier de cette immunité juridictionnelle pénale si ces actes étaient considérés comme publics? Une telle question soulève le problème de savoir si certains crimes - que l'on qualifiera de "crimes internationaux" - ne justifient pas qu'il soient fait exception au principe de l'immunité absolue du chef d'État en matière répressive.
B. Les exceptions au statut privilégié en matière pénale
Une des caractéristiques majeures de l'affaire Pinochet réside dans le fait que sa conduite, bien qu'officielle, puisse être qualifiée de criminelle par le droit des gens. "La demande d'arrestation provisoire en vue d'extradition" adressée par les deux juges espagnols aux autorités britanniques pour justifier l'arrestation et bientôt peut-être l'extradition de Pinochet, repose en effet sur des infractions qualifiées de crimes par le droit international - le génocide, les actes de torture, la prise d'otages et le terrorisme - car lésant la communauté internationale toute entière. Les mandats d'arrêts internationaux lancés par la France contre l'ex-dictateur s'appuient, quant à eux, notamment sur des actes de torture. De tels crimes constituent une exception au principe selon lequel l'ex-chef d'État étranger bénéficie d'une immunité absolue en matière pénale. En effet, c'est le caractère à ce point attentatoire à la dignité humaine et aux valeurs juridiques de la société internationale qui justifie que son instigateur perde toute immunité et ceci malgré sa qualité officielle d'ancien représentant suprême d'un État étranger. Cette exception notable au principe de l'immunité de l'ex-chef d'État en matière pénale a pour origine l'émergence actuelle d'un consensus universel postulant que l'humanité même de chaque individu lui confère un certain nombre de droits qui ne sont pas seulement revendiqués moralement mais aussi incriminés légalement au niveau international. C'est sur ce raisonnement juridique que se sont fondés trois des cinq Law Lords de la House of Lords pour refuser le bénéfice de l'immunité au Général Pinochet, infirmant en cela la décision de la High Court of Justice. Ce faisant, ils ont confirmé l'évolution du droit international en ce sens. Lord Nicholls, exprimant l'opinion de la majorité de la Cour suprême, a ainsi souligné : "International law has made plain that certain types of conduct, including torture and hostage-taking, are not acceptable conduct on the part of anyone. This applies as much to heads of state, or even more so, as it does to everyone else. The contrary conclusion would make a mockery of international law". (NdE)
De nombreuses dispositions internationales illustraient déjà la reconnaissance de cette exception notoire. Le tribunal de Nuremberg, dans un arrêt du 1er octobre 1946, avait souligné que "la protection que le droit international assure aux représentants de l'État ne saurait s'appliquer à des actes criminels. Les auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leur qualité officielle pour se soustraire à la procédure normale et se mettre à l'abri du châtiment" (15). Par la suite, des dispositions contenant le même principe se retrouvent dans l'article 3 du Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité (16) adopté par la Commission du droit international en 1954 : "le fait que l'auteur agit en qualité de chef de l'État ou de gouvernement ne l'exonère pas de la responsabilité encourue pour avoir commis l'un des crimes définis dans le présent code". Une disposition similaire se retrouve dans le Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité adoptée en 1991 par la Commission du droit international. L'article 11 énonce sous la section "qualité officielle et responsabilité pénale", que "la qualité officielle de l'auteur d'un crime contre la paix et la sécurité de l'humanité, et notamment le fait qu'il ait agi en qualité de chef de l'État ou de gouvernement, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale" (17). Même à se prévaloir d'actes commis pendant la durée de ses fonctions et dans l'exercice de ceux-ci, le Général Pinochet ne peut valablement prétendre au bénéfice d'une quelconque immunité en raison du caractère gravissime, au regard du droit international, des infractions en cause.
Pourtant, la High Court of Justice britannique n'avait pas suivi cette argumentation et avait octroyé à Pinochet le bénéfice de l'immunité de juridiction pénale en tant qu'ancien chef de l'État chilien. Lord Bingham, le président de cette haute juridiction, justifiait cette décision en affirmant que rien, "pas même la charte qui établit le Tribunal de Nuremberg en 1945 ne peut invalider le principe selon lequel un État souverain ne peut récuser l'action souveraine d'un autre", y compris un crime (18). Le magistrat laissait entendre que seule la création de la Cour pénale internationale (dont les statuts ont été signés à Rome en juillet 1998) permettrait de juger Pinochet pour de tels actes.
On l'a démontré et la House of Lords l'a confirmé dans sa décision du 25 novembre, cette position s'avérait particulièrement conservatrice au regard de l'évolution du droit international en matière de crimes internationaux. L'idée que des individus qui ont commis de tels crimes sont responsables internationalement de ceux-ci, nous semble en effet aujourd'hui un principe accepté du droit international. L'absence, jusqu'à il y a quelques mois, de la volonté de créer une juridiction pénale internationale à vocation universelle pour ce type de crimes ne saurait avoir affecté le principe de la responsabilité pénale internationale de l'individu coupable d'actes illicites jugés particulièrement graves au niveau international. Pour preuve, en dehors des tribunaux de guerre, certaines juridictions ordinaires nationales (essentiellement américaines) ont condamné des ex-dictateurs ou des ex-commandants en chef des armées pour des faits de torture sur la base du droit international et des conventions internationales qui y ont traits (19). L'émergence d'une coutume internationale en ce sens nous semble donc indéniable.
L'explication de la décision de la High Court ne doit donc pas être uniquement recherchée au plan juridique mais aussi au niveau politique. Nombreux sont les liens qui ont uni ou unissent encore aujourd'hui le Royaume-Uni au Chili : que l'on remonte à la guerre des Malouines ou que l'on pense aux liens économiques importants qui rapprochent les deux pays. Le Chili est en effet un partenaire commercial d'importance pour le Royaume-Uni. En Amérique latine, il est, après le Brésil, le deuxième client de l'industrie britannique de l'armement. A l'heure actuelle, le gouvernement chilien souhaite acquérir une vingtaine d'avions de combat et des frégates. La Grande-Bretagne figure bien sûr sur les rangs des candidats à la fourniture de ce matériel militaire. Enfin, il nous paraît nécessaire de rappeler qu'Augusto Pinochet n'est pas un de ces dictateurs déchus, exilés ou bannis de son État, qui coulent des jours heureux en Suisse, aux États-Unis ou en France. Il conserve un poids politique indéniable au Chili où, sous couvert de politique de transition et de réconciliation nationale, il a réussi à échapper à la justice chilienne grâce à des lois d'amnistie et s'est fait désigner commandant en chef des armées puis sénateur à vie. Sa position sur l'échiquier politique international est loin d'être celle d'un Duvalier, d'un Marcos ou d'un feu Mobutu. L'attitude du gouvernement chilien est, à cet égard, très parlante. Certains ministres du gouvernement actuel réclament en effet la libération de l'ex-dictateur alors même qu'ils en ont été les victimes. Une telle prise de position cristallise le paradoxe dans lequel vit la société chilienne en voie de démocratisation. Elle connaît, selon les mots du dirigeant politique Julio Dittborn, "un état d'anormalité permanente" (20) dans sa volonté de transition politique. En effet, le jugement à l'étranger de l'ex-dictateur peut constituer pour le gouvernement démocratique en place, une source de tension avec l'armée chilienne et ainsi un ferment possible de déstabilisation de la société. Il nous est apparu éclairant de montrer que, dans cette décision de la High Court, c'était plus la volonté politique que la réglementation juridique internationale qui faisait défaut. Toutefois, si cette réglementation existe et réprouve à faire bénéficier un ex-dirigeant de son immunité pour un certain nombre de crimes qu'elle qualifie de crimes internationaux, retient-elle pour autant la compétence de n'importe quel État pour juger de telles infractions ? Ceci revient à s'interroger sur l'existence d'une éventuelle compétence juridictionnelle universelle en matière de répression.
II. La notion de compétence universelle
Si l'on considère que le Général Pinochet ne peut valablement se prévaloir de son immunité d'ex-chef de l'État en raison du caractère particulièrement attentatoire à la dignité humaine des actes qu'il a commis ou fait commettre, cela signifie-t-il pour autant qu'un tribunal étranger puisse être compétent pour connaître des infractions perpétrées par lui, en lieu et place d'une juridiction chilienne ? Cette question met en lumière un autre concept de droit international public dont l'usage reste complexe et malaisé.
A. Intérêt du principe de compétence universelle
Le principe de compétence universelle a pour but ultime de lutter contre l'impunité des grands criminels d'État qui, malgré les exactions commises, ont réussi à échapper à leur justice nationale grâce à des lois d'amnistie générale ou par la terreur qu'ils suscitent encore. Ce concept pose ouvertement le problème de la répression, par un État, des infractions internationales commises à l'étranger par des étrangers. Une telle infraction lèse directement un ordre public étranger A et indirectement l'ordre international, mais ne porte pas atteinte directement à l'ordre public de l'État étranger B et ceci alors même que l'individu étranger, auteur de l'infraction, résiderait dans l'État B. Le cloisonnement des ordres juridiques qui se déduit de cette situation de fait, a pour origine la sacro-sainte notion de souveraineté en droit international, qui postule que les organes juridictionnels d'un État n'ont pas pour mission d'aider un État étranger. L'égoïsme étatique serait donc la règle. "La raison parait en être que tout État organise son fonctionnement en vue de la réalisation de ses buts propres et non ceux des autres États" souligne P. Mayer (21).
Aussi, les États se sentent-ils peu concernés par les infractions commises entre étrangers à l'étranger. Le droit international, qu'il soit conventionnel ou coutumier, a cependant modifié cet état de fait en introduisant une répression universelle pour certains actes, fondée sur le principe de compétence universelle. Une telle compétence "donne vocation à juger une infraction aux tribunaux de l'État sur le territoire duquel le délinquant est arrêté ou se trouve même passagèrement, quels que soient le lieu de commission de l'infraction et la nationalité de l'auteur ou de la victime" (22). C'est à ce principe de compétence universelle que le juge espagnol Garzon a recours pour fonder son action en territoire britannique contre un citoyen chilien pour des actes de torture, de génocide et de terrorisme perpétrés notamment contre des citoyens espagnols (mais pas uniquement) et commis au Chili et en Argentine.
B. Portée du principe de compétence universelle
1. Champ d'application du principe
Il va sans dire que seules les infractions considérées comme très graves par le droit international justifient une compétence aussi exceptionnelle. Ces infractions sont définies soit par la coutume internationale, soit par des conventions multilatérales. Elles créent à la charge de l'individu des devoirs dont la méconnaissance engage sa responsabilité pénale - alors même qu'il aurait agi dans le cadre de ses fonctions officielles - le rendant ainsi sujet immédiat du droit international. Mais, si le comportement de l'individu est érigé en infraction internationale par le droit international, il n'est cependant pas normalement sanctionné c'est-à-dire incriminé par celui-ci. Le monopole de l'action répressive est laissée aux organes policiers et juridictionnels des États. Il y a donc combinaison entre le droit international qui se borne à décrire le comportement prohibé mais ne le réprime pas normalement - la décision de créer une cour pénale internationale date de juillet 1998 et ne vaut que pour les crimes commis après sa création - et le droit national qui incrimine l'acte en le sanctionnant d'une peine. Le principe de compétence universelle est alors là pour permettre la répression au niveau interne des crimes de "lèse humanité" définis par le droit international en ce qu'ils portent atteinte à la communauté humaine toute entière et donc aussi aux États dont les citoyens n'ont pas été directement victimes de ces infractions : on considère que ceux-ci sont en quelque sorte victimes par ricochet. En se fondant sur ce raisonnement, on postule alors que chaque État est dans son droit (selon certaines conventions, il peut même être dans l'obligation de le faire (23)) s'il décide de juger une personne étrangère poursuivie pour crime international, alors même que le crime aurait été commis à l'étranger et contre des étrangers.
A l'origine, la notion de compétence universelle était cantonnée à la piraterie en haute mer ( cf. Affaire du Lotus, devant la CPIJ (24) et l'article 105 de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 (25)). Aujourd'hui cette notion connaît un certain renouveau puisqu'on la retrouve dans de nombreuses conventions internationales :
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les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 (I, article 49; II, article 50; III, article 129; IV, article 146),
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la Convention sur la répression de la capture illicite d'aéronefs du 16 décembre 1970 (article 4§2),
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la Convention pour la répression des actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile du 23 septembre 1971 telle que modifiée par le Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale du 24 février 1988 (l'article 3 du Protocole ajoutant à l'article 5 de la convention, le paragraphe 2 bis),
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la Convention de New York sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques du 14 décembre 1973 (article 3§2),
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la Convention européenne pour la répression du terrorisme du 22 janvier 1977 (article 6),
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la Convention internationale de New York contre la prise d'otage du 17 décembre 1979 (article 5§2),
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la Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars 1980 (article XXX),
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la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (article 5§2 et article 7),
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la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates formes fixes situées sur le plateau continental du 10 mars 1988 (article 3§4),
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la Convention de Vienne contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 (article 4§2),
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le projet de Convention de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité de 1991 (article 4) (26).
La ratification de ces conventions internationales entraîne incorporation dans l'ordre juridique interne des États des normes contenues dans ces accords, dont le principe de compétence universelle. En France, les dispositions relatives à la compétence universelle des juridictions françaises sont contenues dans les articles 689 et 689-1 à 689-7 du Code de procédure pénale (27). Les infractions internationales visées par cette compétence universelle sont les suivantes : actes de torture (article 689-2), actes de terrorisme (article 689-3), utilisation illicite de matière nucléaire (article 689-4), actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et des plates formes fixes (article 689-5), actes illicites contre la sécurité de l'aviation civile (article 689-6 et 7). L'article 689-1 subordonne néanmoins cette compétence à la présence sur le sol français de l'auteur présumé de l'infraction susmentionnée. La France aurait donc disposé valablement d'un chef de compétence si le Général Pinochet était venu se faire soigner en France (28).
Les mêmes dispositions se retrouvent en Espagne. Comme le souligne la "demande d'arrestation provisoire en vue d'extradition" rédigée par le juge espagnol, le crime de génocide, la torture et les actions terroristes sont visés par le Code pénal espagnol. La notion de compétence universelle a été accolée à ces crimes après ratification par l'Espagne des conventions internationales correspondantes. Ainsi, au terme du Code pénal espagnol, les juridictions espagnoles sont compétentes pour connaître de toute personne s'étant rendue coupable de ces actes. Cette position a été confirmée par la chambre pénale de l'Audience nationale espagnole (la plus haute instance pénale du pays) qui a estimé, le 30 octobre 1998, que les tribunaux espagnols avaient toute compétence pour juger les crimes commis durant le régime militaire chilien et argentin. Le juge espagnol Garzon est donc en droit de demander l'extradition de Pinochet au regard du droit espagnol.
2. Nature des infractions visées
Pour historique que soit cette décision judiciaire espagnole, elle ne saurait cependant masquer la qualification parfois contestable de l'acte d'accusation du juge espagnol contre Pinochet. En effet, le recours à la notion de génocide pour qualifier certains comportements du Général nous paraît pouvoir faire l'objet de critiques. Le génocide a pour objectif la destruction systématique d'un groupe d'individus déterminés à raison de leur nationalité, de leur religion, de leur race ou de leur ethnie. En l'espèce, les actes reprochés à l'ex-dictateur chilien visaient l'anéantissement des opposants politiques à son régime (et ceci quelle que soit leur nationalité) et non l'anéantissement de ce groupe de personnes pour les motifs limitativement énumérés ci-dessus. De plus, quand bien même cette qualification aurait pu recouvrir les actes perpétrés par Pinochet, la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 (signée par l'Espagne en 1968 et par le Royaume-Uni en 1970) ne prévoit pas une compétence universelle au profit des Etats parties. Elle se contente de renvoyer de façon relativement classique, à la compétence territoriale des Etats sur le territoire duquel l'acte de génocide a été commis, en lui faisant obligation de poursuivre l'individu auteur du génocide ou à une Cour pénale internationale dans l'éventualité où une telle cour existerait (29) (ce qui n'était pas le cas jusqu'en juillet 1998).
A cette qualification de génocide, on préférera donc la qualification de crime contre l'humanité qui paraît mieux adaptée en l'espèce. Le crime contre l'humanité, tel que l'a rappelé le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, fait état d'une volonté, chez son instigateur, de mettre en place une politique systématique de persécution ou d'anéantissement d'une population civile pour des motifs politiques, raciaux, religieux, ethniques, sociaux ou culturels. Cette qualification semble donc plus appropriée au regard des actes reprochés à Pinochet. Aucune convention internationale ne définit cependant le crime contre l'humanité. En conséquence, aucune convention spécifique ne pose le principe de la compétence universelle des États dans l'éventualité d'un crime contre l'humanité. L'incrimination de crime contre l'humanité résulte néanmoins d'un ensemble de textes internationaux ou de décisions judiciaires tels le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et de Tokyo du 19 janvier 1946, les décisions judiciaires de ces deux juridictions spéciales, les résolutions des Nations Unies, les Statuts des Tribunaux pénaux internationaux de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda, les codes pénaux et criminels de certains Etats et la jurisprudence de leurs tribunaux, le projet de code de crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité adopté par la Commission du droit international en 1991, ... Peut-on alors considérer, en se fondant sur cet ensemble de dispositions, que la coutume internationale a proclamé le principe de l'universalité de juridiction pour les crimes contre l'humanité ? Plusieurs indices semblent aller en ce sens. L'affaire Eichmann est, à cet égard, très éclairante. Cet ancien colonel nazi fut jugé en Israël en 1961 sur le fondement d'une loi israélienne de 1950. Cette loi de nature extraterritoriale permettait à Israël de punir un individu étranger pour des actes perpétrés par celui-ci à l'étranger contre des personnes étrangères. Eichmann mit en cause la légalité de cette loi au regard du droit international. La Cour Suprême de l'État hébreu rejeta cette objection et considéra le crime contre l'humanité (pris dans son acception la plus large (30)) comme retenant la compétence universelle de tout État. Selon la Cour "it is the universal character of the crimes in question which vests in every state the authority to try and punish those who participated in their commission" (31). Le fondement de l'universalité de la compétence et de la répression face à de tels crimes résidait dans le fait que "these crimes constitute acts which damage vital international interests; they impair the foundations and security of the international community; they violate the universal moral values and humanitarian principles that lie hidden in the criminal law system adopted by civilized nations" (32). Une partie de la doctrine (33) soutient par ailleurs, que le caractère coutumier de l'universalité de la compétence des tribunaux internes en cas de crime contre l'humanité prend appui sur la résolution 3074 (1973) de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée le 3 décembre 1973. Selon cette résolution "les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, où qu'ils aient été commis et quel que soit le moment où ils ont été commis doivent faire l'objet d'une enquête et les individus contre lesquels il existe des preuves établissant qu'ils ont commis de tels crimes doivent être recherchés, arrêtés, traduits en justice et s'ils sont reconnus coupables, châtiés". Néanmoins on nuancera ce propos au regard de la jurisprudence française qui, statuant sur un recours déposé en 1993 par des victimes bosniaques, a considéré expressément que le droit international coutumier ne saurait en aucun cas poser un principe de compétence universelle pour les crimes contre l'humanité.
Finalement, c'est en ce qui concerne les actes de torture que l'existence de la compétence universelle ne semble faire aucun doute. En effet, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants reconnaît explicitement dans son article 5 l'existence d'une telle compétence pour ce type de crime. Par ailleurs, la jurisprudence de différents tribunaux internes est bien établie en ce sens. Aux États-Unis notamment, nombreuses sont les décisions judiciaires qui ont déclaré que les tribunaux américains étaient valablement compétents pour statuer sur des actes de torture commis à l'étranger par des agents étrangers à l'encontre de victimes étrangères. Trois affaires illustrent très bien cette position : il s'agit des arrêts Jimenez v. Filartiga (34), Tel-Oren v. Libyan Arab Republic (35) et Trajano et al. v. Estate of F. Marcos (36). Dans ces trois espèces, les tribunaux américains se sont appuyés sur le principe de compétence universelle pour considérer que "the torturer has become - like the pirate and slave trader before him - hostis humanis generis, an enemy of the mankind" (Jimenez v. Filartiga, p. 890). Cette notion d'ennemi du genre humain renvoi à la notion de l'universalité de la compétence des États face à certains actes extraterritoriaux puisqu'elle postule que "certain acts specified as universally reprehensible would make the perpetrator liable to capture and trial wherever he went" (US v. Klintock, 18 U. S. (5 Wheat. ) 144 (1820) cité par J. M. Blum et R. G. Steinhardt (37)). Cette notion permet donc aux États-Unis de réprimer certaines infractions reconnues par la communauté internationale comme constituant une "odieuse menace à la sécurité de tous" (38). Selon Blum et Steinhardt, "the common denomination of hostis humanis generis seems to have been the magnitude of the threat posed by the acts, coupled with the universality of condemnation of the acts" (39). C'est ainsi que les tribunaux américains ont retenu leur compétence pour des actes de tortures perpétrés par des agents étrangers à l'encontre de leur concitoyens, hors des États-Unis, dans la mesure où ces actes constituaient une violation d'une norme coutumière unanimement acceptée du droit international (cf. Jimenez v. Filartiga, p. 890, Tel-Oren v. Libyan Arab Republic, p. 788 et Tajano et al. v. Estate of F. Marcos, p. 500). Au niveau procédural, les tribunaux américains se fondent, dans ces trois arrêts, pour retenir leur compétence, sur le droit fédéral américain et plus précisément sur l'Alien Tort Claims Act (§ 1350) qui postule que "the district courts shall have original jurisdiction of any civil action by an alien for a tort only committed in violation of the Law of nations or a treaty of the United States". Le fait que, dans les trois affaires, il s'agissait de mettre en cause la responsabilité civile des auteurs de ces tortures, ne porte pas atteinte mais encore confirme la reconnaissance par les tribunaux américains de l'existence d'une norme de droit international coutumier prohibant universellement la torture et incitant à sa répression quels que soient la nationalité des parties et le lieu de l'infraction (dans les trois arrêts, la répression était de nature civile et consistait en une indemnisation de la victime et non en une condamnation pénale de l'auteur des faits).
Pour conclure, il nous paraît important de souligner à la fois l'originalité du principe de compétence universelle et son caractère progressiste, en ce sens où il constitue un instrument légal très intéressant pour dépasser un des concepts clefs du droit international : le concept d'égalité souveraine des États. En reconnaissant aux États le caractère universel de leur juridiction pour certains actes considérés comme particulièrement graves par la communauté internationale, on met ainsi à mal l'écran protecteur de la souveraineté des États en lui préférant une exigence morale qui est le droit qu'a toute victime de voir l'acte particulièrement odieux qui l'a meurtri, être puni. Dans une société internationale tellement attachée à ce concept de souveraineté, le principe de compétence universelle fait donc valablement figure novatrice. Il fait aussi figure utile puisqu'il augmente la probabilité de répression de ces infractions en accroissant (à tous) le nombre d'États compétents pour ce faire.
L'utilité du principe ne doit cependant pas masquer ses inconvénients. En effet, la notion de compétence universelle aboutit, en pratique, à rendre compétent un juge désigné par le hasard de l'arrestation. Ceci a pour résultat non négligeable de priver l'individu de son droit fondamental à la connaissance de la loi qui lui est applicable (principe de prévisibilité de la loi). Un tel inconvénient présente un risque certain d'arbitraire (40). Par ailleurs, le système de la compétence universelle ne suscite pas un engouement démesuré de la part des Etats qui y ont souscrit. "La réunion des preuves d'une infraction réalisée parfois à des milliers de kilomètres, l'audition et la confrontation des témoins posent des difficultés, sans parler de la question fondamentale de la fiabilité" (41). Tout ceci ne semble donc pas motiver les Etats à exécuter l'obligation conventionnelle ou coutumière qui leur enjoint de punir l'auteur présumé des faits. Pour pallier ce manque d'empressement, plusieurs conventions internationales ont institué un système de compétence universelle subsidiaire plus souple qui impose aux parties d'extrader l'auteur de l'infraction si elles ne le punissent pas. C'est la règle "aut dedere, aut punire". En vertu de ce principe, si la justice anglaise ne se reconnaît pas ou ne veut pas se reconnaître compétente pour juger les actes qui sont reprochés à Pinochet, la justice espagnole qui possède donc elle aussi un titre de compétence peut valablement attendre d'un État tiers (en l'espèce, le Royaume Uni) qu'il l'aide, notamment en extradant l'auteur présumé des faits. C'est sur cette compétence universelle subsidiaire que le juge espagnol Garzon appuie sa demande d'arrestation et d'extradition du Général Pinochet.
NOTES
(1) Les familles d'exilés chiliens qui avaient intenté une action en justice devant les tribunaux britanniques en se fondant sur la législation anglaise de 1982 contre la prise d'otages et de 1988 contre la torture, ont été déboutées, le 28 octobre 1998, au motif que les plaintes déposées ne faisaient état que de " preuves insuffisantes pour la législation anglaise " (Le Monde, 30 octobre 1998, p. 2). (retour au texte)
(2) Ph. Cahier, Le droit diplomatique contemporain, Genève, Droz, 1962, p. 337. (retour au texte)
(3) Libération, 19 octobre 1998, p. 3. (retour au texte)
(4) Le Monde, 30 octobre 1998, p. 2. (retour au texte)
(5) Cf. Les actions judiciaires à l'encontre du Shah d'Iran, de J-C. Duvalier, de F. Marcos, de M. Noriega, de M. Traoré, du Maréchal Mobutu, du Roi Farouk, de B. Bhutto, ... (retour au texte)
(6) Voir en ce sens la jurisprudence Marcos aux États-Unis et en Suisse qui reste la plus significative sur le sujet (notamment The Republic of Philippines v. Marcos, 806 F. 2d 344 (2nd Cir. 1986) et "Marcos et consorts c. Chambre d'accusation du canton de Genève", ASDI, 1988, vol. 44, p. 226). (retour au texte)
(7) Cette convention a été adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1973 (Résolution 3166 (XXVIII)) et est entrée en vigueur en 1977. 80 États sont, à l'heure actuelle, parties à cette convention. (retour au texte)
(8) ACDI, 1991, vol. II, partie 2, p. 13. (retour au texte)
(9) Résolution 2530 (XXIV) qui précise dans son article 21 que le chef d'État qui se trouve à la tête d'une telle mission jouit, dans l'État de réception ou dans un État tiers "des facilités, privilèges et immunités reconnues par le droit international aux chef d'État en visite". (retour au texte)
(10) C'est ainsi que dans un arrêt Lafontant v. Aristide, 844 F. Supp. 128 (E.D.N.Y. 1994), la district court a considéré qu'Aristide, Président haïtien en exil aux États-Unis, accusé de meurtre, était "absolutely immune from personal jurisdiction in United States courts". (retour au texte)
(11) Le Monde, 21 octobre 1998, p. 4 et Libération, 27 octobre 1998, p. 3. (retour au texte)
(12) Munden v. Duke of Brunswick (1847) 10 QB 656, p. 662. (retour au texte)
(13) Voir notamment Hatch v. Baez 7 Hun. 596 (1876) et Nixon v. Fitzgerald 457 US 731 (1982). (retour au texte)
(14) Sir A. Watts, "The Legal Position in International Law of Heads of State, Heads of Goverments and Foreign Ministers", RCADI, 1994, III, tome 247, pp. 56-57. (retour au texte)
(15) Cité par J. Salmon, Manuel de droit diplomatique, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 20. (retour au texte)
(16) Cette expression englobe les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. (retour au texte)
(17) ACDI, 1988, vol. II, partie 2, p. 76 et Rapport de la CDI, 1991, p. 264. (retour au texte)
(18) Le Monde, 30 octobre 1998, p. 2. (retour au texte)
(19) Cf. comme arrêt majeur en ce sens, Filartiga v. Pena-Irala, 630 F. 2d 876 (2nd Cir. 1980) ainsi que In re Estate of F. Marcos, Human Rights Litigation, A. Trajano et al. v. Estate of F. Marcos and I. Marcos-Manotoc, 978 F. 2d 493 (9th Cir. 1992), cert. denied, 113 S. Ct. 2960 (1993) et In re Estate of F. Marcos, Human Rights Litigation, M. Hilao et al. v. Estate of F. Marcos, 25 F. 3d 1467 (9th Cir. 1994). (retour au texte)
(20) Le Monde, 29 octobre 1998, p. 4. (retour au texte)
(21) P. Mayer, "Droit international public et droit international privé sous l'angle de la notion de compétence", RCDIP, 1979, tome LXVIII, n°1, p. 370. (retour au texte)
(22) A. Huet et R. Koering-Joulin, Le droit pénal international, Paris, Puf, Collection Thémis, 1993, p. 190. (retour au texte)
(23) Sur la différence entre compétence universelle facultative et compétence universelle obligatoire, voir G. Guillaume, "La compétence universelle : formes anciennes et nouvelles", Mélanges Levasseur, Paris, Litec, 1992, p. 36 et B. Stern, "La compétence universelle en France; le cas des crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda", GYIL, vol. 40, 1997, pp. 283 et s. (retour au texte)
(24) Recueil des arrêts de la CPJI, Série A, N°10, arrêt du 7 septembre 1927, opinion individuelle du Juge Moore : "[D]ans le cas de ce qui est connu sous le nom de piraterie du Droit des Gens, il a été concédé une compétence universelle, en vertu de laquelle toute personne inculpée d'avoir commis ce délit peut être jugée et punie par tout pays sous la juridiction duquel elle vient de se trouver [...]. Bien qu'il y ait des législations qui en prévoient la répression, elle est une infraction de droit des gens; et étant donné que le théâtre des opérations du pirate est la haute mer où le droit ou le devoir d'assurer l'ordre public n'appartient à aucun pays, il est traité comme l'individu hors-la-loi, comme l'ennemi du genre humain- hostis humanis generis- que tout pays, dans l'intérêt de tous peut saisir ou punir"(p. 70). (retour au texte)
(25) "Tout État peut, en haute mer ou tout autre lieu ne relevant pas de la juridiction d'un État, saisir un navire ou un aéronef pirate [...]. Les tribunaux de l'État qui a opéré la saisine, peuvent se prononcer sur la peine à infliger". (retour au texte)
(26) Cette liste est établie en partant de deux communications : celle de G. Guillaume, "La compétence universelle : formes anciennes et nouvelles", Mélanges Levasseur, Paris, Litec, 1992, pp. 33 et s. et celle de B. Stern, "La compétence universelle en France; le cas des crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda", GYIL, vol. 40, 1997, p. 281. Par ailleurs, on notera que la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1992 (A/47/133), pose elle aussi, dans son article 14, le principe de la compétence universelle. (retour au texte)
(27) Loi N° 92-1136 du 16 décembre 1992, entrée en vigueur le 1er mars 1994. (retour au texte)
(28) Il semble que cela n'ait pas échappé aux autorités françaises qui avaient refusé de délivrer un visa au Général Pinochet pour venir passer sa convalescence en France (Le Monde, 20 octobre 1998, p. 2). (retour au texte)
(29) "Les personnes accusées de génocide [...] seront traduites devant les tribunaux compétents de l'État sur le territoire duquel l'acte a été commis, ou devant la Cour criminelle internationale [...]" (article 6). (retour au texte)
(30) ILR, vol. 36, (Isr. Sup. Ct. 1962), p. 297 : "the crime set out in the law of 1950 [...] have been grouped under the inclusive caption "crimes against humanity". (retour au texte)
(31) Ibid., p. 298. (retour au texte)
(32) Ibid., p. 291. (retour au texte)
(33) B. Stern, "La compétence universelle en France; le cas des crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda", GYIL, vol. 40, 1997, p. 287. (retour au texte)
(34) Filartiga v. Pena-Irala, 630 F. 2d 876 (2nd Cir. 1980). (retour au texte)
(35) Tel-Oren v. Libyan Arab Republic, 726 F. 2d 774 (D. C. Cir. 1984). (retour au texte)
(36) In re Estate of F. Marcos, Human Rights Litigation, A. Trajano et al. v. Estate of F. Marcos and I. Marcos-Manotoc, 978 F. 2d 493 (9th Cir. 1992), cert. denied, 113 S. Ct. 2960 (1993). (retour au texte)
(37) J. M. Blum et R. G. Steinhardt, "Federal Jurisdiction over International Human Rights Claims : The ATAC after Filartiga v. Pena-Irala", Harvard International Law Journal, 1981, vol. 22, N°1, p. 60. (retour au texte)
(38) Ibid., p. 60. (retour au texte)
(39) Ibid., p. 61. (retour au texte)
(40) Le système da la compétence juridictionnelle universelle s'accompagne en effet, non de l'application de la loi nationale du suspect, mais de la loi du lieu où il a été arrêté. (retour au texte)
(41) R. Koering-Joulin et H. Labayle, "Dix ans après, de la signature (1977) à la ratification (1987) de la Convention européenne pour la répression du terrorisme", JCP, I, 1988, 3349. (retour au texte)
L'arrestation du Général Pinochet constitue sans aucun doute pour les victimes ou les parents des victimes de l'ancien bourreau qui ont subi 17 ans de dictature, un formidable espoir de justice ainsi que la certitude de connaître enfin la vérité. Les lois d'amnistie votées au Chili au bénéfice des membres de la junte avaient en effet dressé un mur infranchissable contre la manifestation de cette vérité en contribuant à museler la mémoire collective. L'impunité dont bénéficiait le bourreau d'hier, plaçait les victimes ou leurs proches dans l'impossibilité de connaître les faits passés, d'identifier les responsabilités et de punir les coupables. En cela déjà, la mise aux arrêts de l'ancien dictateur constitue pour elles, un pas en avant.
Au-delà de cette quête élémentaire de justice que symbolise pour les victimes l'arrestation de Pinochet, cette affaire représente aussi pour le juriste internationaliste une illustration de deux concepts juridiques dont le maniement est extrêmement délicat en droit international public, à savoir l'immunité d'un ex-chef d'État et la notion de compétence universelle en droit pénal international. C'est sur le premier concept que se sont penchées le 28 octobre, la High Court of Justice britannique et le 25 novembre, en appel, la House of Lords. Si le Royaume Uni fait droit à la demande d'extradition du Général Pinochet déposée par les deux juges espagnols, c'est sur les deux concepts que se prononceront les tribunaux ibériques.
La doctrine et la pratique étant peu prolixe sur ces sujets, le traitement donné à cette affaire par des juridictions nationales de pays à l'origine du droit des gens et ayant, par tradition, fortement contribué à l'essor du concept des droits de l'homme, constitue une source inestimable pour la compréhension et le développement de ces deux notions.
I. L'immunité d'un ex-chef d'État devant des juridictions étrangères
Ancien dictateur reconverti dans l'activité sénatoriale à vie, Augusto Pinochet ne cesse de revendiquer l'immunité diplomatique dont, selon lui, il jouirait en Grande-Bretagne et qui empêcherait qu'il soit arrêté ou poursuivi devant les tribunaux de cet État. Au titre de son ancienne fonction, il réclame le bénéfice du statut privilégié du chef d'État.
A. Le statut privilégié
1. Notion
La fonction de chef d'État a un contenu symbolique très fort qui se manifeste, à l'étranger, dans les égards protocolaires et les immunités dont il est titulaire au titre de son statut. Contrairement à toute personne étrangère qui, se trouvant sur le territoire d'un État dont il n'a pas la nationalité, a l'obligation de respecter les lois de cet État et est soumis à sa juridiction, le chef d'État bénéficie d'un traitement spécial qui le met à l'abri des sanctions de la loi étrangère et de tout contrôle juridictionnel des tribunaux locaux. Ce statut privilégié a pour fondement l'indépendance nécessaire qui doit être reconnue au chef d'État étranger ainsi que le respect dû à sa fonction. "On doit respecter en sa personne la souveraineté de l'État" étranger (2). Le droit international, dans ce domaine, trouve ses racines dans une conception très ancienne des relations entre l'État et son souverain : la théorie et la pratique voulaient à l'origine que le souverain et l'État ne fassent qu'un. Ainsi, tous les actes commis par le souverain étaient considérés comme commis par l'État. La maxime "par in parem non habet imperium" rappelait à cet égard que tous les États étaient égaux. En ce sens, l'idée même qu'un souverain puisse être soumis au système légal national d'un autre souverain était considérée comme un affront fait à ce principe d'égalité et à l'État étranger lui-même.
Aujourd'hui les chefs d'État ne sont plus appréhendés comme pouvant être identifiés à leur État, même si dans certaines situations cérémonielles ou diplomatiques, ils sont perçus comme la personnification de leur État. L'immunité dont le chef d'État bénéficie est donc distinguable de l'immunité souveraine reconnue à l'État. Cette évolution trouve son fondement dans le développement des activités commerciales accomplies par les États étrangers hors de leur territoire. Il apparaissait en effet peu équitable que les actes commerciaux effectués par un État à l'étranger échappent au contrôle juridictionnel des tribunaux locaux. Pour de tels actes, on considère depuis la première guerre mondiale, que l'État ne bénéficie plus d'une immunité souveraine absolue mais d'une immunité restreinte. Partant, l'immunité du chef d'État a évolué au regard de l'immunité souveraine. Même si l'immunité du chef de l'exécutif continue à partager des traits communs avec l'immunité souveraine, sa détermination n'est plus guidée par un cadre légal identique à celui gouvernant l'immunité des États. L'immunité du chef d'État met en avant des considérations uniques qui requièrent une approche différente. Toutefois cette approche reste relativement floue puisque aucune définition universellement acceptée de la doctrine de l'immunité du chef d'État n'existe à l'heure actuelle. On ne peut rendre compte que de certaines tendances, la nature et le degré des immunités dues aux dirigeants variant dans la pratique.
2. La nature incertaine de ce statut
Lorsque l'ex-dictateur Pinochet est arrivé à Londres pour subir une intervention chirurgicale, il est entré sur le sol britannique pour un acte de nature privée mais avec un passeport diplomatique qui lui avait été accordé par le Chili au titre de sa fonction de sénateur à vie. Dans les premiers jours de son arrestation, les autorités britanniques ont considéré ce passeport diplomatique sans valeur 3). La High Court of Justice en a décidé autrement le 28 octobre 1998 en jugeant qu'Augusto Pinochet bénéficiait "en tant qu'ancien chef d'un État souverain, de l'immunité diplomatique pour toute procédure civile et criminelle devant les tribunaux anglais" 4).
Une telle décision a bien sûr été fortement décriée par les victimes de Pinochet et les défenseurs des droits de l'homme. Elle a cependant le mérite de mettre en lumière, par son absence de définition du contenu de l'immunité due à un chef d'État ou à un ex-chef d'État ainsi que des règles conventionnelles ou coutumières qui fondent ces immunités, la difficulté qu'il y a à définir le statut d'un ex-dirigeant poursuivi devant des juridictions étrangères.
Cette question du statut de l'ex-chef de l'exécutif d'un État, bien que peu débattue en doctrine, n'en demeure pas moins fondamentale en matière juridictionnelle. Un nombre croissant d'anciens leaders poursuivis devant des juridictions étrangères s'en sont prévalus ou s'en prévalent encore pour tenter d'échapper à la justice (5). Ce moyen de défense reste cependant très délicat à mettre en oeuvre. Peu nombreuses sont en effet, les affaires qui ont reconnu cette immunité à un ex-chef d'État (6).
Si les décisions judiciaires sont peu prolixes sur ce sujet, il convient de souligner que les conventions et la coutume internationales brillent elles aussi par leur relatif mutisme en ce domaine. Il faut dire que le statut juridique du chef de l'État lui-même, lorsqu'il est en fonction, n'a, jusqu'à ce jour, fait l'objet d'aucune convention. Aucun texte au niveau international ne définit à proprement parler la position légale du chef d'État et les privilèges et immunités dont il bénéficie. Cependant, ces privilèges et immunités existent incontestablement mais les rares conventions qui y font référence s'abstiennent de les définir. Tout au plus peut-on citer l'article 1§1 alinéa a) de la Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (1973), qui inclue le chef d'État dans sa définition des personnes que l'on doit considérer comme internationalement protégées (7). La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 ne mentionne pas expressément le chef d'État. On considère cependant que, par analogie, certaines des règles qui y figurent peuvent valablement bénéficier aux chefs d'État. Finalement, seuls le Projet d'articles sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens adopté par la Commission du droit international en 1991 (articles 2§1 alinéa b et 3§2) (8) et la Convention sur les missions spéciales de 1969 adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies (article 21) (9) font une référence expresse au statut privilégié dont dispose le chef d'État en fonction. Cette référence postule donc implicitement que la matière existe et relève du droit coutumier. On s'accorde ainsi à reconnaître au chef d'État en fonction de larges immunités aussi bien devant les juridictions civiles, administratives que répressives de l'État étranger. Ceci ne signifie cependant pas que le chef d'État bénéficie du même degré d'immunité devant ces trois types de juridictions. En effet, l'immunité civile du représentant suprême de l'État ne fait pas l'objet de la même unanimité que ses immunités administrative ou pénale. En ce qui concerne cette dernière, elle est considérée comme absolue par l'ensemble de la doctrine. Le chef de l'État étranger bénéficie donc d'une immunité de juridiction pénale totale à l'étranger (10).
Si la coutume internationale semble avoir posé quelques jalons incontestés en matière d'immunité du chef d'État en fonction, il n'en va pas de même en ce qui concerne l'ex-chef de l'État. Le statut juridique de ce dernier est en effet grandement marqué par le sceau de l'incertitude. Aucune convention internationale n'y fait référence, la coutume reste relativement floue sur la question et les décisions judiciaires sont peu nombreuses et souvent contradictoires, les tribunaux saisis ayant contribué à fortement individualiser le statut de l'ex-chef d'État en considérant - semble-t-il - chaque cas comme sui generis. On peut néanmoins tenter de dégager un certain nombre de principes de droit international qui s'appliquent en cette matière. Ratione temporis, l'immunité juridictionnelle de l'ex-dirigeant de l'État ne subsiste dans les faits que tant que persiste la situation fonctionnelle qui la légitime. Cela signifie que si la pratique connaît le maintien de certains honneurs ou privilèges au profit de l'ancien chef d'État (comme par exemple le fait de traiter le Général Pinochet à son arrivée en Grande Bretagne comme un "VIP" en organisant une réception de bienvenue en son honneur (11)), il ne s'agit que d'un usage de pure courtoisie qui ne correspond à aucune obligation juridique. Comme pour l'ambassadeur, la perte de la fonction entraîne la disparition des immunités ratione personae du chef d'État. Ne subsiste que son immunité ratione materiae c'est-à-dire celle qui s'attache aux actes officiels qu'il a accompli dans l'exercice de ses fonctions. Aussi peut-il être poursuivi devant les tribunaux étrangers pour tout acte privé commis par lui et ceci même lorsqu'il était en fonction. Ainsi, les tribunaux anglais, dans l'arrêt Munden v. Duke of Brunswick (12) n'avaient pas accepté qu'un ex-chef d'État se prévale de son immunité dans une affaire de contrat privé auquel celui-ci était partie, alors même que le contrat en question avait été conclu lorsqu'il occupait encore ses fonctions. Toutefois, cette immunité persiste pour tous les actes publics réalisés par le chef de l'État dans le cadre de ses fonctions officielles. De tels actes ne peuvent faire l'objet de poursuites même après que ce dernier ait cessé ses fonctions (13).
En pratique, la distinction entre les actes publics et privés d'un ancien dirigeant est loin d'être claire et explique ainsi le caractère contradictoire des différentes décisions des tribunaux étatiques en la matière. En l'espèce, les crimes qui sont reprochés à l'ex-dictateur Pinochet (crime de génocide, torture, prise d'otages,...) sont des actes qu'il aurait commis ou fait commettre dans l'exercice de ses fonctions présidentielles. Est-ce à dire que ces actes peuvent être considérés comme des actes publics ? Selon certains auteurs (14), le test qui permettrait d'effectuer la distinction entre acte privé et acte public du chef de l'État en fonction réside dans le fait de savoir si cet acte, bien qu'illégal, a ou non été pris dans le cadre de ses pouvoirs publics. S'il l'a été, l'individu devrait pouvoir bénéficier de l'immunité. S'il ne l'a pas été, la personne ne devrait pas pouvoir se prévaloir de l'immunité du chef d'État.
Dans l'affaire Pinochet, il va sans dire que les actes de torture, de prise d'otages, ... bien qu'illégaux au regard de la loi chilienne, avaient été autorisés par son représentant suprême dans le cadre de ses pouvoirs de chef d'État et avaient été accompli dans l'exercice de ses fonctions officielles. Pinochet devrait-il alors pouvoir bénéficier de cette immunité juridictionnelle pénale si ces actes étaient considérés comme publics? Une telle question soulève le problème de savoir si certains crimes - que l'on qualifiera de "crimes internationaux" - ne justifient pas qu'il soient fait exception au principe de l'immunité absolue du chef d'État en matière répressive.
B. Les exceptions au statut privilégié en matière pénale
Une des caractéristiques majeures de l'affaire Pinochet réside dans le fait que sa conduite, bien qu'officielle, puisse être qualifiée de criminelle par le droit des gens. "La demande d'arrestation provisoire en vue d'extradition" adressée par les deux juges espagnols aux autorités britanniques pour justifier l'arrestation et bientôt peut-être l'extradition de Pinochet, repose en effet sur des infractions qualifiées de crimes par le droit international - le génocide, les actes de torture, la prise d'otages et le terrorisme - car lésant la communauté internationale toute entière. Les mandats d'arrêts internationaux lancés par la France contre l'ex-dictateur s'appuient, quant à eux, notamment sur des actes de torture. De tels crimes constituent une exception au principe selon lequel l'ex-chef d'État étranger bénéficie d'une immunité absolue en matière pénale. En effet, c'est le caractère à ce point attentatoire à la dignité humaine et aux valeurs juridiques de la société internationale qui justifie que son instigateur perde toute immunité et ceci malgré sa qualité officielle d'ancien représentant suprême d'un État étranger. Cette exception notable au principe de l'immunité de l'ex-chef d'État en matière pénale a pour origine l'émergence actuelle d'un consensus universel postulant que l'humanité même de chaque individu lui confère un certain nombre de droits qui ne sont pas seulement revendiqués moralement mais aussi incriminés légalement au niveau international. C'est sur ce raisonnement juridique que se sont fondés trois des cinq Law Lords de la House of Lords pour refuser le bénéfice de l'immunité au Général Pinochet, infirmant en cela la décision de la High Court of Justice. Ce faisant, ils ont confirmé l'évolution du droit international en ce sens. Lord Nicholls, exprimant l'opinion de la majorité de la Cour suprême, a ainsi souligné : "International law has made plain that certain types of conduct, including torture and hostage-taking, are not acceptable conduct on the part of anyone. This applies as much to heads of state, or even more so, as it does to everyone else. The contrary conclusion would make a mockery of international law". (NdE)
De nombreuses dispositions internationales illustraient déjà la reconnaissance de cette exception notoire. Le tribunal de Nuremberg, dans un arrêt du 1er octobre 1946, avait souligné que "la protection que le droit international assure aux représentants de l'État ne saurait s'appliquer à des actes criminels. Les auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leur qualité officielle pour se soustraire à la procédure normale et se mettre à l'abri du châtiment" (15). Par la suite, des dispositions contenant le même principe se retrouvent dans l'article 3 du Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité (16) adopté par la Commission du droit international en 1954 : "le fait que l'auteur agit en qualité de chef de l'État ou de gouvernement ne l'exonère pas de la responsabilité encourue pour avoir commis l'un des crimes définis dans le présent code". Une disposition similaire se retrouve dans le Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité adoptée en 1991 par la Commission du droit international. L'article 11 énonce sous la section "qualité officielle et responsabilité pénale", que "la qualité officielle de l'auteur d'un crime contre la paix et la sécurité de l'humanité, et notamment le fait qu'il ait agi en qualité de chef de l'État ou de gouvernement, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale" (17). Même à se prévaloir d'actes commis pendant la durée de ses fonctions et dans l'exercice de ceux-ci, le Général Pinochet ne peut valablement prétendre au bénéfice d'une quelconque immunité en raison du caractère gravissime, au regard du droit international, des infractions en cause.
Pourtant, la High Court of Justice britannique n'avait pas suivi cette argumentation et avait octroyé à Pinochet le bénéfice de l'immunité de juridiction pénale en tant qu'ancien chef de l'État chilien. Lord Bingham, le président de cette haute juridiction, justifiait cette décision en affirmant que rien, "pas même la charte qui établit le Tribunal de Nuremberg en 1945 ne peut invalider le principe selon lequel un État souverain ne peut récuser l'action souveraine d'un autre", y compris un crime (18). Le magistrat laissait entendre que seule la création de la Cour pénale internationale (dont les statuts ont été signés à Rome en juillet 1998) permettrait de juger Pinochet pour de tels actes.
On l'a démontré et la House of Lords l'a confirmé dans sa décision du 25 novembre, cette position s'avérait particulièrement conservatrice au regard de l'évolution du droit international en matière de crimes internationaux. L'idée que des individus qui ont commis de tels crimes sont responsables internationalement de ceux-ci, nous semble en effet aujourd'hui un principe accepté du droit international. L'absence, jusqu'à il y a quelques mois, de la volonté de créer une juridiction pénale internationale à vocation universelle pour ce type de crimes ne saurait avoir affecté le principe de la responsabilité pénale internationale de l'individu coupable d'actes illicites jugés particulièrement graves au niveau international. Pour preuve, en dehors des tribunaux de guerre, certaines juridictions ordinaires nationales (essentiellement américaines) ont condamné des ex-dictateurs ou des ex-commandants en chef des armées pour des faits de torture sur la base du droit international et des conventions internationales qui y ont traits (19). L'émergence d'une coutume internationale en ce sens nous semble donc indéniable.
L'explication de la décision de la High Court ne doit donc pas être uniquement recherchée au plan juridique mais aussi au niveau politique. Nombreux sont les liens qui ont uni ou unissent encore aujourd'hui le Royaume-Uni au Chili : que l'on remonte à la guerre des Malouines ou que l'on pense aux liens économiques importants qui rapprochent les deux pays. Le Chili est en effet un partenaire commercial d'importance pour le Royaume-Uni. En Amérique latine, il est, après le Brésil, le deuxième client de l'industrie britannique de l'armement. A l'heure actuelle, le gouvernement chilien souhaite acquérir une vingtaine d'avions de combat et des frégates. La Grande-Bretagne figure bien sûr sur les rangs des candidats à la fourniture de ce matériel militaire. Enfin, il nous paraît nécessaire de rappeler qu'Augusto Pinochet n'est pas un de ces dictateurs déchus, exilés ou bannis de son État, qui coulent des jours heureux en Suisse, aux États-Unis ou en France. Il conserve un poids politique indéniable au Chili où, sous couvert de politique de transition et de réconciliation nationale, il a réussi à échapper à la justice chilienne grâce à des lois d'amnistie et s'est fait désigner commandant en chef des armées puis sénateur à vie. Sa position sur l'échiquier politique international est loin d'être celle d'un Duvalier, d'un Marcos ou d'un feu Mobutu. L'attitude du gouvernement chilien est, à cet égard, très parlante. Certains ministres du gouvernement actuel réclament en effet la libération de l'ex-dictateur alors même qu'ils en ont été les victimes. Une telle prise de position cristallise le paradoxe dans lequel vit la société chilienne en voie de démocratisation. Elle connaît, selon les mots du dirigeant politique Julio Dittborn, "un état d'anormalité permanente" (20) dans sa volonté de transition politique. En effet, le jugement à l'étranger de l'ex-dictateur peut constituer pour le gouvernement démocratique en place, une source de tension avec l'armée chilienne et ainsi un ferment possible de déstabilisation de la société. Il nous est apparu éclairant de montrer que, dans cette décision de la High Court, c'était plus la volonté politique que la réglementation juridique internationale qui faisait défaut. Toutefois, si cette réglementation existe et réprouve à faire bénéficier un ex-dirigeant de son immunité pour un certain nombre de crimes qu'elle qualifie de crimes internationaux, retient-elle pour autant la compétence de n'importe quel État pour juger de telles infractions ? Ceci revient à s'interroger sur l'existence d'une éventuelle compétence juridictionnelle universelle en matière de répression.
II. La notion de compétence universelle
Si l'on considère que le Général Pinochet ne peut valablement se prévaloir de son immunité d'ex-chef de l'État en raison du caractère particulièrement attentatoire à la dignité humaine des actes qu'il a commis ou fait commettre, cela signifie-t-il pour autant qu'un tribunal étranger puisse être compétent pour connaître des infractions perpétrées par lui, en lieu et place d'une juridiction chilienne ? Cette question met en lumière un autre concept de droit international public dont l'usage reste complexe et malaisé.
A. Intérêt du principe de compétence universelle
Le principe de compétence universelle a pour but ultime de lutter contre l'impunité des grands criminels d'État qui, malgré les exactions commises, ont réussi à échapper à leur justice nationale grâce à des lois d'amnistie générale ou par la terreur qu'ils suscitent encore. Ce concept pose ouvertement le problème de la répression, par un État, des infractions internationales commises à l'étranger par des étrangers. Une telle infraction lèse directement un ordre public étranger A et indirectement l'ordre international, mais ne porte pas atteinte directement à l'ordre public de l'État étranger B et ceci alors même que l'individu étranger, auteur de l'infraction, résiderait dans l'État B. Le cloisonnement des ordres juridiques qui se déduit de cette situation de fait, a pour origine la sacro-sainte notion de souveraineté en droit international, qui postule que les organes juridictionnels d'un État n'ont pas pour mission d'aider un État étranger. L'égoïsme étatique serait donc la règle. "La raison parait en être que tout État organise son fonctionnement en vue de la réalisation de ses buts propres et non ceux des autres États" souligne P. Mayer (21).
Aussi, les États se sentent-ils peu concernés par les infractions commises entre étrangers à l'étranger. Le droit international, qu'il soit conventionnel ou coutumier, a cependant modifié cet état de fait en introduisant une répression universelle pour certains actes, fondée sur le principe de compétence universelle. Une telle compétence "donne vocation à juger une infraction aux tribunaux de l'État sur le territoire duquel le délinquant est arrêté ou se trouve même passagèrement, quels que soient le lieu de commission de l'infraction et la nationalité de l'auteur ou de la victime" (22). C'est à ce principe de compétence universelle que le juge espagnol Garzon a recours pour fonder son action en territoire britannique contre un citoyen chilien pour des actes de torture, de génocide et de terrorisme perpétrés notamment contre des citoyens espagnols (mais pas uniquement) et commis au Chili et en Argentine.
B. Portée du principe de compétence universelle
1. Champ d'application du principe
Il va sans dire que seules les infractions considérées comme très graves par le droit international justifient une compétence aussi exceptionnelle. Ces infractions sont définies soit par la coutume internationale, soit par des conventions multilatérales. Elles créent à la charge de l'individu des devoirs dont la méconnaissance engage sa responsabilité pénale - alors même qu'il aurait agi dans le cadre de ses fonctions officielles - le rendant ainsi sujet immédiat du droit international. Mais, si le comportement de l'individu est érigé en infraction internationale par le droit international, il n'est cependant pas normalement sanctionné c'est-à-dire incriminé par celui-ci. Le monopole de l'action répressive est laissée aux organes policiers et juridictionnels des États. Il y a donc combinaison entre le droit international qui se borne à décrire le comportement prohibé mais ne le réprime pas normalement - la décision de créer une cour pénale internationale date de juillet 1998 et ne vaut que pour les crimes commis après sa création - et le droit national qui incrimine l'acte en le sanctionnant d'une peine. Le principe de compétence universelle est alors là pour permettre la répression au niveau interne des crimes de "lèse humanité" définis par le droit international en ce qu'ils portent atteinte à la communauté humaine toute entière et donc aussi aux États dont les citoyens n'ont pas été directement victimes de ces infractions : on considère que ceux-ci sont en quelque sorte victimes par ricochet. En se fondant sur ce raisonnement, on postule alors que chaque État est dans son droit (selon certaines conventions, il peut même être dans l'obligation de le faire (23)) s'il décide de juger une personne étrangère poursuivie pour crime international, alors même que le crime aurait été commis à l'étranger et contre des étrangers.
A l'origine, la notion de compétence universelle était cantonnée à la piraterie en haute mer ( cf. Affaire du Lotus, devant la CPIJ (24) et l'article 105 de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 (25)). Aujourd'hui cette notion connaît un certain renouveau puisqu'on la retrouve dans de nombreuses conventions internationales :
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les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 (I, article 49; II, article 50; III, article 129; IV, article 146),
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la Convention sur la répression de la capture illicite d'aéronefs du 16 décembre 1970 (article 4§2),
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la Convention pour la répression des actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile du 23 septembre 1971 telle que modifiée par le Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale du 24 février 1988 (l'article 3 du Protocole ajoutant à l'article 5 de la convention, le paragraphe 2 bis),
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la Convention de New York sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques du 14 décembre 1973 (article 3§2),
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la Convention européenne pour la répression du terrorisme du 22 janvier 1977 (article 6),
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la Convention internationale de New York contre la prise d'otage du 17 décembre 1979 (article 5§2),
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la Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars 1980 (article XXX),
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la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (article 5§2 et article 7),
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la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates formes fixes situées sur le plateau continental du 10 mars 1988 (article 3§4),
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la Convention de Vienne contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 (article 4§2),
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le projet de Convention de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité de 1991 (article 4) (26).
La ratification de ces conventions internationales entraîne incorporation dans l'ordre juridique interne des États des normes contenues dans ces accords, dont le principe de compétence universelle. En France, les dispositions relatives à la compétence universelle des juridictions françaises sont contenues dans les articles 689 et 689-1 à 689-7 du Code de procédure pénale (27). Les infractions internationales visées par cette compétence universelle sont les suivantes : actes de torture (article 689-2), actes de terrorisme (article 689-3), utilisation illicite de matière nucléaire (article 689-4), actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et des plates formes fixes (article 689-5), actes illicites contre la sécurité de l'aviation civile (article 689-6 et 7). L'article 689-1 subordonne néanmoins cette compétence à la présence sur le sol français de l'auteur présumé de l'infraction susmentionnée. La France aurait donc disposé valablement d'un chef de compétence si le Général Pinochet était venu se faire soigner en France (28).
Les mêmes dispositions se retrouvent en Espagne. Comme le souligne la "demande d'arrestation provisoire en vue d'extradition" rédigée par le juge espagnol, le crime de génocide, la torture et les actions terroristes sont visés par le Code pénal espagnol. La notion de compétence universelle a été accolée à ces crimes après ratification par l'Espagne des conventions internationales correspondantes. Ainsi, au terme du Code pénal espagnol, les juridictions espagnoles sont compétentes pour connaître de toute personne s'étant rendue coupable de ces actes. Cette position a été confirmée par la chambre pénale de l'Audience nationale espagnole (la plus haute instance pénale du pays) qui a estimé, le 30 octobre 1998, que les tribunaux espagnols avaient toute compétence pour juger les crimes commis durant le régime militaire chilien et argentin. Le juge espagnol Garzon est donc en droit de demander l'extradition de Pinochet au regard du droit espagnol.
2. Nature des infractions visées
Pour historique que soit cette décision judiciaire espagnole, elle ne saurait cependant masquer la qualification parfois contestable de l'acte d'accusation du juge espagnol contre Pinochet. En effet, le recours à la notion de génocide pour qualifier certains comportements du Général nous paraît pouvoir faire l'objet de critiques. Le génocide a pour objectif la destruction systématique d'un groupe d'individus déterminés à raison de leur nationalité, de leur religion, de leur race ou de leur ethnie. En l'espèce, les actes reprochés à l'ex-dictateur chilien visaient l'anéantissement des opposants politiques à son régime (et ceci quelle que soit leur nationalité) et non l'anéantissement de ce groupe de personnes pour les motifs limitativement énumérés ci-dessus. De plus, quand bien même cette qualification aurait pu recouvrir les actes perpétrés par Pinochet, la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 (signée par l'Espagne en 1968 et par le Royaume-Uni en 1970) ne prévoit pas une compétence universelle au profit des Etats parties. Elle se contente de renvoyer de façon relativement classique, à la compétence territoriale des Etats sur le territoire duquel l'acte de génocide a été commis, en lui faisant obligation de poursuivre l'individu auteur du génocide ou à une Cour pénale internationale dans l'éventualité où une telle cour existerait (29) (ce qui n'était pas le cas jusqu'en juillet 1998).
A cette qualification de génocide, on préférera donc la qualification de crime contre l'humanité qui paraît mieux adaptée en l'espèce. Le crime contre l'humanité, tel que l'a rappelé le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, fait état d'une volonté, chez son instigateur, de mettre en place une politique systématique de persécution ou d'anéantissement d'une population civile pour des motifs politiques, raciaux, religieux, ethniques, sociaux ou culturels. Cette qualification semble donc plus appropriée au regard des actes reprochés à Pinochet. Aucune convention internationale ne définit cependant le crime contre l'humanité. En conséquence, aucune convention spécifique ne pose le principe de la compétence universelle des États dans l'éventualité d'un crime contre l'humanité. L'incrimination de crime contre l'humanité résulte néanmoins d'un ensemble de textes internationaux ou de décisions judiciaires tels le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et de Tokyo du 19 janvier 1946, les décisions judiciaires de ces deux juridictions spéciales, les résolutions des Nations Unies, les Statuts des Tribunaux pénaux internationaux de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda, les codes pénaux et criminels de certains Etats et la jurisprudence de leurs tribunaux, le projet de code de crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité adopté par la Commission du droit international en 1991, ... Peut-on alors considérer, en se fondant sur cet ensemble de dispositions, que la coutume internationale a proclamé le principe de l'universalité de juridiction pour les crimes contre l'humanité ? Plusieurs indices semblent aller en ce sens. L'affaire Eichmann est, à cet égard, très éclairante. Cet ancien colonel nazi fut jugé en Israël en 1961 sur le fondement d'une loi israélienne de 1950. Cette loi de nature extraterritoriale permettait à Israël de punir un individu étranger pour des actes perpétrés par celui-ci à l'étranger contre des personnes étrangères. Eichmann mit en cause la légalité de cette loi au regard du droit international. La Cour Suprême de l'État hébreu rejeta cette objection et considéra le crime contre l'humanité (pris dans son acception la plus large (30)) comme retenant la compétence universelle de tout État. Selon la Cour "it is the universal character of the crimes in question which vests in every state the authority to try and punish those who participated in their commission" (31). Le fondement de l'universalité de la compétence et de la répression face à de tels crimes résidait dans le fait que "these crimes constitute acts which damage vital international interests; they impair the foundations and security of the international community; they violate the universal moral values and humanitarian principles that lie hidden in the criminal law system adopted by civilized nations" (32). Une partie de la doctrine (33) soutient par ailleurs, que le caractère coutumier de l'universalité de la compétence des tribunaux internes en cas de crime contre l'humanité prend appui sur la résolution 3074 (1973) de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée le 3 décembre 1973. Selon cette résolution "les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, où qu'ils aient été commis et quel que soit le moment où ils ont été commis doivent faire l'objet d'une enquête et les individus contre lesquels il existe des preuves établissant qu'ils ont commis de tels crimes doivent être recherchés, arrêtés, traduits en justice et s'ils sont reconnus coupables, châtiés". Néanmoins on nuancera ce propos au regard de la jurisprudence française qui, statuant sur un recours déposé en 1993 par des victimes bosniaques, a considéré expressément que le droit international coutumier ne saurait en aucun cas poser un principe de compétence universelle pour les crimes contre l'humanité.
Finalement, c'est en ce qui concerne les actes de torture que l'existence de la compétence universelle ne semble faire aucun doute. En effet, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants reconnaît explicitement dans son article 5 l'existence d'une telle compétence pour ce type de crime. Par ailleurs, la jurisprudence de différents tribunaux internes est bien établie en ce sens. Aux États-Unis notamment, nombreuses sont les décisions judiciaires qui ont déclaré que les tribunaux américains étaient valablement compétents pour statuer sur des actes de torture commis à l'étranger par des agents étrangers à l'encontre de victimes étrangères. Trois affaires illustrent très bien cette position : il s'agit des arrêts Jimenez v. Filartiga (34), Tel-Oren v. Libyan Arab Republic (35) et Trajano et al. v. Estate of F. Marcos (36). Dans ces trois espèces, les tribunaux américains se sont appuyés sur le principe de compétence universelle pour considérer que "the torturer has become - like the pirate and slave trader before him - hostis humanis generis, an enemy of the mankind" (Jimenez v. Filartiga, p. 890). Cette notion d'ennemi du genre humain renvoi à la notion de l'universalité de la compétence des États face à certains actes extraterritoriaux puisqu'elle postule que "certain acts specified as universally reprehensible would make the perpetrator liable to capture and trial wherever he went" (US v. Klintock, 18 U. S. (5 Wheat. ) 144 (1820) cité par J. M. Blum et R. G. Steinhardt (37)). Cette notion permet donc aux États-Unis de réprimer certaines infractions reconnues par la communauté internationale comme constituant une "odieuse menace à la sécurité de tous" (38). Selon Blum et Steinhardt, "the common denomination of hostis humanis generis seems to have been the magnitude of the threat posed by the acts, coupled with the universality of condemnation of the acts" (39). C'est ainsi que les tribunaux américains ont retenu leur compétence pour des actes de tortures perpétrés par des agents étrangers à l'encontre de leur concitoyens, hors des États-Unis, dans la mesure où ces actes constituaient une violation d'une norme coutumière unanimement acceptée du droit international (cf. Jimenez v. Filartiga, p. 890, Tel-Oren v. Libyan Arab Republic, p. 788 et Tajano et al. v. Estate of F. Marcos, p. 500). Au niveau procédural, les tribunaux américains se fondent, dans ces trois arrêts, pour retenir leur compétence, sur le droit fédéral américain et plus précisément sur l'Alien Tort Claims Act (§ 1350) qui postule que "the district courts shall have original jurisdiction of any civil action by an alien for a tort only committed in violation of the Law of nations or a treaty of the United States". Le fait que, dans les trois affaires, il s'agissait de mettre en cause la responsabilité civile des auteurs de ces tortures, ne porte pas atteinte mais encore confirme la reconnaissance par les tribunaux américains de l'existence d'une norme de droit international coutumier prohibant universellement la torture et incitant à sa répression quels que soient la nationalité des parties et le lieu de l'infraction (dans les trois arrêts, la répression était de nature civile et consistait en une indemnisation de la victime et non en une condamnation pénale de l'auteur des faits).
Pour conclure, il nous paraît important de souligner à la fois l'originalité du principe de compétence universelle et son caractère progressiste, en ce sens où il constitue un instrument légal très intéressant pour dépasser un des concepts clefs du droit international : le concept d'égalité souveraine des États. En reconnaissant aux États le caractère universel de leur juridiction pour certains actes considérés comme particulièrement graves par la communauté internationale, on met ainsi à mal l'écran protecteur de la souveraineté des États en lui préférant une exigence morale qui est le droit qu'a toute victime de voir l'acte particulièrement odieux qui l'a meurtri, être puni. Dans une société internationale tellement attachée à ce concept de souveraineté, le principe de compétence universelle fait donc valablement figure novatrice. Il fait aussi figure utile puisqu'il augmente la probabilité de répression de ces infractions en accroissant (à tous) le nombre d'États compétents pour ce faire.
L'utilité du principe ne doit cependant pas masquer ses inconvénients. En effet, la notion de compétence universelle aboutit, en pratique, à rendre compétent un juge désigné par le hasard de l'arrestation. Ceci a pour résultat non négligeable de priver l'individu de son droit fondamental à la connaissance de la loi qui lui est applicable (principe de prévisibilité de la loi). Un tel inconvénient présente un risque certain d'arbitraire (40). Par ailleurs, le système de la compétence universelle ne suscite pas un engouement démesuré de la part des Etats qui y ont souscrit. "La réunion des preuves d'une infraction réalisée parfois à des milliers de kilomètres, l'audition et la confrontation des témoins posent des difficultés, sans parler de la question fondamentale de la fiabilité" (41). Tout ceci ne semble donc pas motiver les Etats à exécuter l'obligation conventionnelle ou coutumière qui leur enjoint de punir l'auteur présumé des faits. Pour pallier ce manque d'empressement, plusieurs conventions internationales ont institué un système de compétence universelle subsidiaire plus souple qui impose aux parties d'extrader l'auteur de l'infraction si elles ne le punissent pas. C'est la règle "aut dedere, aut punire". En vertu de ce principe, si la justice anglaise ne se reconnaît pas ou ne veut pas se reconnaître compétente pour juger les actes qui sont reprochés à Pinochet, la justice espagnole qui possède donc elle aussi un titre de compétence peut valablement attendre d'un État tiers (en l'espèce, le Royaume Uni) qu'il l'aide, notamment en extradant l'auteur présumé des faits. C'est sur cette compétence universelle subsidiaire que le juge espagnol Garzon appuie sa demande d'arrestation et d'extradition du Général Pinochet.
NOTES
(1) Les familles d'exilés chiliens qui avaient intenté une action en justice devant les tribunaux britanniques en se fondant sur la législation anglaise de 1982 contre la prise d'otages et de 1988 contre la torture, ont été déboutées, le 28 octobre 1998, au motif que les plaintes déposées ne faisaient état que de " preuves insuffisantes pour la législation anglaise " (Le Monde, 30 octobre 1998, p. 2). (retour au texte)
(2) Ph. Cahier, Le droit diplomatique contemporain, Genève, Droz, 1962, p. 337. (retour au texte)
(3) Libération, 19 octobre 1998, p. 3. (retour au texte)
(4) Le Monde, 30 octobre 1998, p. 2. (retour au texte)
(5) Cf. Les actions judiciaires à l'encontre du Shah d'Iran, de J-C. Duvalier, de F. Marcos, de M. Noriega, de M. Traoré, du Maréchal Mobutu, du Roi Farouk, de B. Bhutto, ... (retour au texte)
(6) Voir en ce sens la jurisprudence Marcos aux États-Unis et en Suisse qui reste la plus significative sur le sujet (notamment The Republic of Philippines v. Marcos, 806 F. 2d 344 (2nd Cir. 1986) et "Marcos et consorts c. Chambre d'accusation du canton de Genève", ASDI, 1988, vol. 44, p. 226). (retour au texte)
(7) Cette convention a été adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1973 (Résolution 3166 (XXVIII)) et est entrée en vigueur en 1977. 80 États sont, à l'heure actuelle, parties à cette convention. (retour au texte)
(8) ACDI, 1991, vol. II, partie 2, p. 13. (retour au texte)
(9) Résolution 2530 (XXIV) qui précise dans son article 21 que le chef d'État qui se trouve à la tête d'une telle mission jouit, dans l'État de réception ou dans un État tiers "des facilités, privilèges et immunités reconnues par le droit international aux chef d'État en visite". (retour au texte)
(10) C'est ainsi que dans un arrêt Lafontant v. Aristide, 844 F. Supp. 128 (E.D.N.Y. 1994), la district court a considéré qu'Aristide, Président haïtien en exil aux États-Unis, accusé de meurtre, était "absolutely immune from personal jurisdiction in United States courts". (retour au texte)
(11) Le Monde, 21 octobre 1998, p. 4 et Libération, 27 octobre 1998, p. 3. (retour au texte)
(12) Munden v. Duke of Brunswick (1847) 10 QB 656, p. 662. (retour au texte)
(13) Voir notamment Hatch v. Baez 7 Hun. 596 (1876) et Nixon v. Fitzgerald 457 US 731 (1982). (retour au texte)
(14) Sir A. Watts, "The Legal Position in International Law of Heads of State, Heads of Goverments and Foreign Ministers", RCADI, 1994, III, tome 247, pp. 56-57. (retour au texte)
(15) Cité par J. Salmon, Manuel de droit diplomatique, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 20. (retour au texte)
(16) Cette expression englobe les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. (retour au texte)
(17) ACDI, 1988, vol. II, partie 2, p. 76 et Rapport de la CDI, 1991, p. 264. (retour au texte)
(18) Le Monde, 30 octobre 1998, p. 2. (retour au texte)
(19) Cf. comme arrêt majeur en ce sens, Filartiga v. Pena-Irala, 630 F. 2d 876 (2nd Cir. 1980) ainsi que In re Estate of F. Marcos, Human Rights Litigation, A. Trajano et al. v. Estate of F. Marcos and I. Marcos-Manotoc, 978 F. 2d 493 (9th Cir. 1992), cert. denied, 113 S. Ct. 2960 (1993) et In re Estate of F. Marcos, Human Rights Litigation, M. Hilao et al. v. Estate of F. Marcos, 25 F. 3d 1467 (9th Cir. 1994). (retour au texte)
(20) Le Monde, 29 octobre 1998, p. 4. (retour au texte)
(21) P. Mayer, "Droit international public et droit international privé sous l'angle de la notion de compétence", RCDIP, 1979, tome LXVIII, n°1, p. 370. (retour au texte)
(22) A. Huet et R. Koering-Joulin, Le droit pénal international, Paris, Puf, Collection Thémis, 1993, p. 190. (retour au texte)
(23) Sur la différence entre compétence universelle facultative et compétence universelle obligatoire, voir G. Guillaume, "La compétence universelle : formes anciennes et nouvelles", Mélanges Levasseur, Paris, Litec, 1992, p. 36 et B. Stern, "La compétence universelle en France; le cas des crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda", GYIL, vol. 40, 1997, pp. 283 et s. (retour au texte)
(24) Recueil des arrêts de la CPJI, Série A, N°10, arrêt du 7 septembre 1927, opinion individuelle du Juge Moore : "[D]ans le cas de ce qui est connu sous le nom de piraterie du Droit des Gens, il a été concédé une compétence universelle, en vertu de laquelle toute personne inculpée d'avoir commis ce délit peut être jugée et punie par tout pays sous la juridiction duquel elle vient de se trouver [...]. Bien qu'il y ait des législations qui en prévoient la répression, elle est une infraction de droit des gens; et étant donné que le théâtre des opérations du pirate est la haute mer où le droit ou le devoir d'assurer l'ordre public n'appartient à aucun pays, il est traité comme l'individu hors-la-loi, comme l'ennemi du genre humain- hostis humanis generis- que tout pays, dans l'intérêt de tous peut saisir ou punir"(p. 70). (retour au texte)
(25) "Tout État peut, en haute mer ou tout autre lieu ne relevant pas de la juridiction d'un État, saisir un navire ou un aéronef pirate [...]. Les tribunaux de l'État qui a opéré la saisine, peuvent se prononcer sur la peine à infliger". (retour au texte)
(26) Cette liste est établie en partant de deux communications : celle de G. Guillaume, "La compétence universelle : formes anciennes et nouvelles", Mélanges Levasseur, Paris, Litec, 1992, pp. 33 et s. et celle de B. Stern, "La compétence universelle en France; le cas des crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda", GYIL, vol. 40, 1997, p. 281. Par ailleurs, on notera que la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1992 (A/47/133), pose elle aussi, dans son article 14, le principe de la compétence universelle. (retour au texte)
(27) Loi N° 92-1136 du 16 décembre 1992, entrée en vigueur le 1er mars 1994. (retour au texte)
(28) Il semble que cela n'ait pas échappé aux autorités françaises qui avaient refusé de délivrer un visa au Général Pinochet pour venir passer sa convalescence en France (Le Monde, 20 octobre 1998, p. 2). (retour au texte)
(29) "Les personnes accusées de génocide [...] seront traduites devant les tribunaux compétents de l'État sur le territoire duquel l'acte a été commis, ou devant la Cour criminelle internationale [...]" (article 6). (retour au texte)
(30) ILR, vol. 36, (Isr. Sup. Ct. 1962), p. 297 : "the crime set out in the law of 1950 [...] have been grouped under the inclusive caption "crimes against humanity". (retour au texte)
(31) Ibid., p. 298. (retour au texte)
(32) Ibid., p. 291. (retour au texte)
(33) B. Stern, "La compétence universelle en France; le cas des crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda", GYIL, vol. 40, 1997, p. 287. (retour au texte)
(34) Filartiga v. Pena-Irala, 630 F. 2d 876 (2nd Cir. 1980). (retour au texte)
(35) Tel-Oren v. Libyan Arab Republic, 726 F. 2d 774 (D. C. Cir. 1984). (retour au texte)
(36) In re Estate of F. Marcos, Human Rights Litigation, A. Trajano et al. v. Estate of F. Marcos and I. Marcos-Manotoc, 978 F. 2d 493 (9th Cir. 1992), cert. denied, 113 S. Ct. 2960 (1993). (retour au texte)
(37) J. M. Blum et R. G. Steinhardt, "Federal Jurisdiction over International Human Rights Claims : The ATAC after Filartiga v. Pena-Irala", Harvard International Law Journal, 1981, vol. 22, N°1, p. 60. (retour au texte)
(38) Ibid., p. 60. (retour au texte)
(39) Ibid., p. 61. (retour au texte)
(40) Le système da la compétence juridictionnelle universelle s'accompagne en effet, non de l'application de la loi nationale du suspect, mais de la loi du lieu où il a été arrêté. (retour au texte)
(41) R. Koering-Joulin et H. Labayle, "Dix ans après, de la signature (1977) à la ratification (1987) de la Convention européenne pour la répression du terrorisme", JCP, I, 1988, 3349. (retour au texte)
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