Il ne s’agit pas de juger des Etats, des peuples ou des nations mais des individus, innovation majeure et corollaire de l'émergence, dans la seconde moitié du XXe siècle, de l’individu comme acteur du droit international.
La prise en compte de la responsabilité d'individus dans la perpétration de graves crimes durant la seconde guerre mondiale avait été à l'origine de la création des Tribunaux de Tokyo et de Nuremberg, ce dernier ayant été institué pour juger "les grands criminels de guerre des pays européens de l’Axe".
Dans le cadre de la justice pénale internationale telle qu'elle se met en place actuellement, les accusés peuvent de moins en moins, pour échapper au jugement, invoquer leur qualité de personnage officiel, ce qui constitue une remise en cause des immunités qui protègent traditionnellement les chefs d'Etat ou les hauts fonctionnaires.
En effet, dans le droit international classique, un chef d'Etat ou un diplomate en exercice bénéficient d'une immunité attachée à leur personne, ce qui les met à l'abri de poursuites judiciaires, y compris pour des agissements privés; un ancien chef d'Etat conserve quant à lui une immunité pour les actes publics réalisés lorsqu'il était au pouvoir.
On peut se référer, là encore, au procès de Nuremberg: l'affirmation d'une responsabilité pour des actes publics des anciens dirigeants allemands a constitué une véritable révolution juridique. (cf. art. 7 du Statut de Tribunal de Nuremberg "la situation officielle des accusés, soit comme chef d’Etat, soit comme hauts fonctionnaires, ne sera considérée ni comme une excuse absolutoire, ni comme un motif de diminution de la peine.") Cependant il ne s'agissait encore que d'une disposition exceptionnelle, qui ne s'est pas étendue immédiatement après la seconde guerre mondiale.
La levée de l'immunité du général Pinochet le 25 novembre 1998 a marqué un véritable précédent. La chambre des Lords a jugé que des actes publics accomplis par un chef d'Etat pouvaient faire l'objet de poursuites lorsqu'ils ne relèvent pas des compétences de l'Etat. Ainsi, les crimes tels que la torture ou les crimes contre l'humanité ne sauraient appartenir aux fonctions d'un chef d'Etat.
Le principe d'absence d'immunité des chefs d'Etats et des haut-fonctionnaires n'est pas mentionné explicitement dans les statuts des Tribunaux pénaux internationaux, mais ces textes ne prévoient pas non plus un traitement d'exception pour les dirigeants politiques. La mise en accusation en mai 1999 par le procureur du TPIY de Slobodan Milosevic pour "crimes contre l’humanité et violations des lois ou coutumes de la guerre " au Kosovo le confirme, d'autant plus qu'il s'agit de la première mise en accusation d'un chef d'Etat en exercice par une institution judiciaire établie à l'échelon internationale.
Le statut de la Cour pénale internationale a consacré ce principe dans l'article 27 intitulé "Défaut de pertinence de la qualité officielle".
"Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent d'un État, n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.
Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne."
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