Tunisie

mardi 16 septembre 2008

Fathi Kemicha

Discours de Monsieur le Bâtonnier Yves Repiquet,
Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris:
Cérémonie de remise des insignes de Chevalier dans
l'Ordre National de la Légion d'Honneur
Bibliothèque de l'Ordre des Avocats de Paris
Palais de Justice
30 octobre 2007


discours du batonnier

Mon cher Confrère,

Votre nomination dans l'Ordre National de la Légion d'Honneur a déjà été saluée dans le Bulletin du Barreau du mois d'avril 2007.

Mais vous avez tenu que ce soit votre Bâtonnier qui vous en remette les insignes.

Car si vous célébrez aujourd'hui votre entrée dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur telle qu'elle résulte de la publication du décret du Président de la République en date du 6 avril 2007, sur proposition du Ministre des Affaires 1 Etrangères, vous avez voulu que ce soit au cœur du Barreau auquel vous appartenez que l'avocat que vous êtes partage avec son Ordre l'honneur qui lui est fait.

Vous naissez le 14 février 1952 à Kairouan.

Rassurez-vous, il ne s'agit pas pour moi de dresser un état civil administratif mais bien de souligner que dès le départ, de par le lieu de votre naissance, vous étiez placé sous le signe de l'excellence.

Kairouan fut fondée en 670 après JC et fut la première ville islamique du Maghreb. Elle fut le point de départ de raids qui permirent à l'Islam de conquérir le Maghreb.

Mais surtout à partir du 9 période qui correspond à l'âge d'or de la civilisation islamique arabe, Kairouan fut le centre d'une des plus brillantes civilisations du Moyen Age.

Elle est encore à ce jour la 4 ville sainte de l'Islam après la Mecque, Médine et Jérusalem.

Depuis 13 siècles, la sérénité de Kairouan fait de cette importante ville une place privilégiée de l'art, de la poésie et de la spiritualité, autant de qualités pour un avocat, n'est-ce pas ?

Cette ville a donné à la Tunisie des scientifiques, des cinéastes (j'y reviendrai dans un instant), des députés, des enseignants, des gouverneurs, des historiens, des hommes d'affaires, des hommes de théâtre, des journalistes, des mathématiciens, des médecins, des musiciens, des peintres, des poètes, des politiques, des religieux… et un avocat… Vous.

Vous êtes diplômé de Sciences Po, section relations internationales, en 1977 et devenez Docteur en Droit, mention très honorable, en 1984.

Votre Directeur de thèse était le Doyen Claude Albert Colliard, sous l'égide duquel l'Université de Paris I vous délivrera le titre de Docteur.

Tout cela paraît très lisse et évident mais ce n'était pas le destin que vous vous étiez choisi : vous voulez faire du cinéma et vous êtes venu en France pour cela.

Heureusement, votre père, commerçant établi à Kairouan, vous impose, avec la tranquille et tendre autorité paternelle, avec sagesse aussi, de faire « votre droit ».

discrous du batonnier

Et peut-être était-ce pour vous une façon de mettre vos pas dans ceux de votre arrière grand-père le célèbre juge Adhoum, toujours de Kairouan, juge chariaique qui par ses décisions, donna force à un contrat de mariage avec épouse unique.

Aujourd'hui vous savez que votre père, que sa santé empêche d'être parmi nous ce soir, avait raison.

Votre modestie dut-elle en souffrir ? Il convient de rappeler maintenant quelques unes des fonctions que vous occupez encore ou que vous avez occupées puis transmises.

Vous êtes le représentant de la Tunisie à la Commission de droit international de l'ONU et vous avez été réélu à cette fonction en 2006 avec 152 voix alors que 94 suffisaient et votre mandat ne s'achèvera qu'en 2011.

J'y reviendrai tout à l'heure mais on peut d'ores et déjà signaler que tout le continent africain s'est réjoui de cette brillante élection puisque le numéro de « Jeune Afrique » dans son édition du 14 octobre saluait votre décoration et rappelait cette récente élection.

C'est ici pour moi l'occasion de saluer tous nos confrères africains, soit exerçant au Barreau de Paris, soit se plaçant sous la protection de celui-ci quand cela est nécessaire.

C'est toujours une joie pour le Bâtonnier de Paris de rappeler les liens fraternels qui nous unissent.

Mais revenons à vous. Vous êtes actuellement membre du Conseil des sanctions de la Banque Mondiale, c'est-à-dire l'organe spécialement chargé de la lutte anti-corruption, membre du Conseil International pour l'arbitrage commercial, Ancien Secrétaire Général de la Cour Constitutionnelle du Royaume de Bahreïn.

La constitution d'une cour constitutionnelle dans l'Etat de Bahreïn vous doit beaucoup.

C'est en examinant, en comparant les diverses institutions de ce type que vous avez recherché ce qui pouvait être retenu de meilleur pour cette cour constitutionnelle.

Ces entretiens et études poussées n'ont pas été étrangers à vos recommandations qui ont été retenues. Parmi elles figuraient celles ayant trait aux qualités du système français.

Membre du Centre d'arbitrage international de Dubaï,

Vice Président de la Cour Internationale d'arbitrage de Londres, du Conseil International du droit de l'environnement, du Conseil PANAFRICAIN, de la Cour internationale d'arbitrage de Londres, vous avez coprésidé le Forum régional arabe de l'IBA, avez occupé les fonctions de Secrétaire Général du système d'arbitrage des chambres de commerce euro-arabes, et même fondé le forum euro-arabe pour l'arbitrage et le droit des affaires.

Et vous trouvez le temps d'être avocat.

Vous avez été « of counsel » du Cabinet Winston and Strawn à Genève et vous manifestez dès que l'occasion le permet votre attachement profond pour votre Barreau d'origine que vous n'avez jamais quitté : le Barreau de Paris.

La cérémonie de ce soir n'en est-elle pas la plus belle illustration ?

Vous avez conseillé et défendu les intérêts de clients prestigieux :

ainsi avez-vous été le conseil du Pakistan dans l'affaire de l'incident aérien du 10 août 1999 qui l'opposait à l'Inde, le conseil de l'Etat de Bahreïn dans l'affaire de la délimitation maritime et des questions territoriales opposant le Qatar et Bahreïn, pour ne citer que ces deux cas.

Vous êtes d'ailleurs décoré de l'Ordre de Bahreïn.

Vous êtes spécialisé en arbitrage et en droit international.

Vous avez beaucoup écrit sur ce thème et avez été rédacteur en chef du Bulletin d'actualité juridique euro-arabe.

Vous avez beaucoup travaillé avec le Président Pierre Bellet dont vous nous rappelez les qualités d'intelligence, de clairvoyance et de rigueur.

Vous avez également beaucoup travaillé au sein de la Chambre de Commerce franco-arabe lorsqu'elle était présidée par Michel Habib-Deloncle.

La liste de votre participation à des colloques, de vos publications, des cours que vous avez donnés, serait bien trop longue.

Revenons donc à l'essentiel : pourquoi, cher Fathi Kemicha, votre affection pour le Barreau de Paris ?

Les avocats du monde s'adoptent les uns les autres, et ils s'adoptent au sein du Barreau de Paris, et le Barreau de Paris a vocation à les accueillir.

Le Barreau de Paris les adopte.

Ils en adoptent les valeurs.

Il s'agit donc d'abord d'une amitié. Une amitié forte, chaleureuse, cordiale, étroite, fraternelle, véritable : confraternelle.

Une amitié fidèle et désintéressée.

Il ne s'agit pas d'un simple attachement.

Et cette amitié m'est chère, vous est chère, nous est chère.

Lorsque vous êtes venu me voir, vous m'avez dit : « j'étais juriste, Docteur en droit, versé dans l'arbitrage. C'est en rejoignant le Barreau de Paris que j'ai eu le sentiment fort d'appartenir véritablement à une famille professionnelle »

Il s'agit ensuite d'une adoption. Vous avez fait vôtre la manière de voir et d'agir des avocats parisiens.

Vous avez embrassé notre déontologie et les avocats de Paris vous ont reconnu comme confrère.

Dans la conception civiliste, l'adoption ne peut avoir lieu que s'il y a de justes motifs et si elle présente des avantages pour l'adopté. Je viens d'exposer les justes motifs.

Votre requête à vous voir décoré ici révèle l'idée que vous avez de cette adoption et je vous indique pour ma part que je me réjouis de cette adoption car votre réussite est un exemple pour nous tous.

Et c'est pourquoi enfin votre décoration, ce jour en ces murs, constitue un véritable adoubement, en présence de votre très belle famille, vos quatre enfants :

Driss qui est juriste,

Alia qui est étudiante,

Inès et Sadri qui brûlent d'impatience de devenir grands pour faire leurs preuves

et bien sûr de votre épouse qui est Professeur au Lycée français de Tunis et que j'ai plaisir à saluer ;

C'est pourquoi, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, Monsieur Fathi Kemicha, au nom du Président de la République, je vous fais Chevalier dans l'Ordre National de la Légion d'Honneur.

discours du batonnier

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