Tunisie

mardi 2 octobre 2007

LA RESPONSABILITE CIVILE

La responsabilité civile peut se définir comme toute obligation de répondre civilement du dommage que l'on a causé à autrui c'est à dire de le réparer en nature ou par équivalent (G. Cornu, Vocabulaire juridique Capitant). Le système de responsabilité civile tel que nous le connaissons aujourd'hui est le fruit d'une longue évolution historique. Désormais, la responsabilité civile se décompose en deux branches : la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle.

Le système de la responsabilité civile

Les fondements de la responsablité civile

A Rome, dans l'antiquité, la responsabilité civile s'est pendant longtemps confondue avec la responsabilité pénale. Ce n'est finalement qu'assez tard que le droit romain a opéré une amorce de distinction entre les deux ordres de responsabilités. Toutefois, s'il existait bien des actions à finalité indemnitaire (actions réipersécutoires) qui s'opposaient aux actions à finalité punitive (actions pénales), la séparation entre les deux ordres de responsabilités demeurait encore très limitée. Par ailleurs, le droit romain n'a pas posé de principe général de responsabilité civile, préférant une approche casuistique. Il n'existait ainsi que des délits spéciaux (par exemple, la fracture d'un os permettait à la victime d'exercer notamment une action réipersécutoire).

Avec les lois saliques, la persistance d'une certaine confusion entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale était encore perceptible. Il n'existait qu'un type de responsabilité qui aboutissait au prononcé du Wergeld dont le but était à la fois de punir l'auteur du fait dommageable et de réparer le dommage subi par la victime.

Si l'Ancien Droit français a incontestablement trouvé ses racines dans ces deux systèmes juridiques, il en a toutefois modifié de manière importante les mécanismes. Cette adaptation s'explique principalement par l'influence grandissante du christianisme et notamment de la morale chrétienne. L'organisation politique de l'Ancien Régime a eu pour conséquence la coexistence sur le territoire français de droits différents. C'est à cette époque que certains juristes (notamment Domat) ont cherché à présenter une synthèse des droits alors applicables. Pour ce qui est de la responsabilité, il ont tenté d'en réaliser une présentation systématique. Ils ont ainsi proposé de dissocier avec plus de netteté les responsabilités civile et pénale en achevant la distinction entre les actions pénale et réipersécutoire que l'on connaissait à l'époque romaine. Toutefois, si cette séparation entre les deux ordres de responsabilités s'accentue, elle ne sera pas encore totale à cette époque. Par ailleurs, l'une des autres évolutions fondamentales par rapport aux systèmes juridiques qui ont influencé l'Ancien Droit résulte des propositions faites par certains juristes de consacrer l'existence d'un principe général de responsabilité civile fondé sur la faute. Ces propositions constituent une rupture par rapport au droit romain qui nous l'avons vu ne connaissait que des délits spéciaux.

Les rédacteurs du Code civil ont voulu donner à la responsabilité civile une connotation morale. Si le Code civil n'y consacre aucun chapitre particulier (les dispositions du code relatives à la responsabilité sont en effet dispersées), une synthèse permet d'en déterminer les principaux caractères. La responsabilité civile est tout d'abord empreinte d'universalisme puisque le code civil a posé un principe général de responsabilité du fait personnel. Reprenant les propositions de Domat*, les rédacteurs du Code civil ont en effet adopté un article 1382 selon lequel :

" Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ".

Ainsi, dès lors qu'une personne cause par sa faute un dommage à une autre personne alors même qu'elle ne l'a pas spécialement recherché, elle sera dans l'obligation de le réparer.

La responsabilité civile est ensuite marquée par un certain individualisme. Cela signifie que les hypothèses de responsabilité collective ne sont pas prévues par le Code civil et qu'un individu ne peut être condamné que si on peut personnellement lui reprocher une faute. Cette position des rédacteurs du Code civil peut s'expliquer par le rattachement à cette époque de la responsabilité civile à la morale. En effet, la responsabilité civile permet de sanctionner des actes moralement répréhensibles.

A partir de 1804 et jusqu'aux années 1880 les caractéristiques de la responsabilité civile ne vont pas considérablement se modifier, celle-ci pouvant être mise en œuvre dès lors qu'une faute a été commise.
Toutefois, à la fin du XIXème siècle, la révolution industrielle est venue remettre en cause ce fondement. En effet, l'essor du machinisme a entraîné de nombreux accidents occasionnant de graves dommages sans qu'ils puissent être réparés dans la mesure où aucune faute ne pouvait être reprochée à quiconque. La faute comme fondement exclusif de la responsabilité devenait dès lors inadaptée car insuffisante. De nombreux auteurs (dont Saleilles*) ont alors proposé de fonder la responsabilité civile sur la théorie du risque : c'est à la personne qui tire profit d'une activité d'assumer les risques qu'elle crée. Ainsi, le chef d'entreprise qui par l'activité qu'il dirige crée des risques pour les tiers doit prendre à sa charge les dommages qui pourraient en résulter. L'avantage d'un tel fondement est de permettre une mise en œuvre beaucoup plus facile de la responsabilité civile puisqu'il n'est plus nécessaire de prouver une faute. Enfin, une troisième théorie a pu être proposée pour fonder la responsabilité civile : celle de la garantie. En vertu de ce fondement, toute personne ayant droit à la sécurité, peut dès lors qu'on y porte atteinte, obtenir une réparation en application des mécanismes de la responsabilité civile. Toutefois le fondement de la garantie est resté en retrait et aujourd'hui, on admet que la responsabilité civile est essentiellement fondée sur la faute ou bien sur les risques.

Pour ce qui est des évolutions actuelles de la responsabilité civile, un double phénomène est perceptible.
Nous assistons tout d'abord à une objectivation de la responsabilité civile, c'est à dire que celle ci se détache de plus en plus de toute connotation morale. En effet, la responsabilité civile consiste désormais moins en la sanction d'un comportement illicite qu'en un instrument juridique permettant à une victime d'obtenir réparation des dommages qu'elle a subis. Les manifestations de cette tendance sont perceptibles à travers le développement des lois d'indemnisation. Par exemple, une loi du 5 juillet 1985 a été adoptée pour améliorer la situation des victimes d'accidents de la circulation. En vertu de cette loi, la victime d'un accident de la circulation pourra obtenir réparation des dommages subis très facilement puisque elle n'aura pas à prouver une faute imputable à l'auteur de son dommage.

Le second trait d'évolution de la responsabilité civile réside dans le phénomène de collectivisation à travers le développement des assurances. En effet, la charge de la condamnation civile ne repose pas nécessairement sur le condamné mais sur l'assureur et finalement sur la collectivité des assurés. Un individu qui en blesse un autre accidentellement ne paiera pas lui même les dommages et intérêts auxquels il est condamné s'il est assuré en responsabilité civile.

On peut y ajouter un mouvement de parcellisation de la responsabilité civile qui se manifeste par l'apparition de régimes spéciaux plus ou moins adaptés et plus ou moins utiles (ainsi dans le cas de la responsabilité du fait des produits dangereux).

Responsabilité contractuelle et délictuelle

Le droit civil français repose encore sur l'opposition entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle bien que cette distinction soit aujourd'hui contestée.

La responsabilité est contractuelle quand elle résulte de l'inexécution d'une obligation née d'un contrat.

La responsabilité est délictuelle dans tous les autres cas.
En pratique il n'est pas toujours facile de dire si la responsabilité est contractuelle ou délictuelle :

Vous êtes invité chez des amis, ils vous servent du poisson avarié. Vous êtes victime d'une intoxication alimentaire. Il ne s'agit pas de la part de vos amis d'une mauvaise exécution de contrat, car aucun contrat n'avait été préalablement conclu entre vous. Vous pouvez éventuellement engager une action en responsabilité civile délictuelle, mais vous risquez de perdre vos amis.

En revanche, si vous allez au restaurant, spécialement pour manger du poisson, et que ce poisson est avarié, victime d'une intoxication alimentaire, vous pouvez cette fois ci engager la responsabilité contractuelle du restaurateur, dans la mesure où un contrat a été conclu entre vous et que celui-ci met à la charge du restaurateur une obligation dite de sécurité.

Nonobstant cette différence de principe, le mécanisme de la responsabilité contractuelle est très proche de celui de la responsabilité délictuelle. Toutefois dans le cadre d'un contrat, les parties peuvent prévoir les conséquences de la responsabilité, par exemple en fixant forfaitairement le montant des dommages-intérêts (clause pénale*). C'est pour cette raison qu'en matière contractuelle, on ne répare que le dommage prévisible.

La responsabilité délictuelle

La responsabilité délictuelle correspond à l'obligation pour l'auteur d'un fait dommageable de réparer le dommage causé par un délit civil en indemnisant la victime, presque toujours par le versement d'une somme d'argent à titre de dommages et intérêts (G. Cornu, Vocabulaire juridique Capitant).

La responsabilité délictuelle ne pourra être mise en œuvre que si un fait générateur de responsabilité est la cause d'un dommage (ou préjudice). Par exemple un piéton qui se fait renverser par un cycliste pourra engager la responsabilité civile de ce dernier s'il prouve qu'un fait dommageable imputable au cycliste (faute d'inattention par exemple) lui a effectivement causé ses blessures.

En matière de responsabilité délictuelle, les faits générateurs prévus par le Code civil sont de trois ordres.

Il y a tout d'abord le fait personnel fautif. Cette faute peut être délictuelle (c'est à dire volontaire, par exemple le fait de voler une chose) ou quasi-délictuelle (c'est à dire involontaire, par exemple le fait de tuer une personne par simple imprudence, ce qui est également à éviter).

Il y a ensuite le fait des choses. Une personne pourra être déclarée responsable si une chose dont elle était le gardien cause un dommage à autrui (par exemple, le maître d'un chien qui mord une personne - le chien, pas le maître - pourra être déclaré civilement responsable du fait de son animal - le maître, pas le chien). On est également responsable de l'automobile que l'on conduit et cette situation est tellement importante en pratique que le législateur l'a réglée par un texte spécial, très protecteur des victimes.

Enfin, il y a le fait d'autrui qui correspond à l'hypothèse où une personne sera civilement responsable d'un fait à l'origine d'un dommage commis par une autre personne (par exemple, les parents sont responsable des dommages causés par leurs enfants, les employeurs du fait de leurs salariés…).
Ce système byzantin a des conséquences pratiques importantes car dans la responsabilité du fait des choses ou dans la responsabilité du fait d'autrui, la faute ou même la responsabilité peut être présumée, ce qui facilitera la tâche de la victime qui demande réparation. Hélas le système est mal harmonisé et il y a ainsi des différences de régime entre les différentes hypothèses de responsabilité du fait d'autrui.

Pour ce qui est des dommages susceptibles d'être réparés, ils peuvent être de différentes sortes.

Il y a le dommage matériel qui correspond à l'atteinte à l'intégrité du patrimoine (exemple : destruction d'un appartement par un incendie).

Il y a également le dommage corporel qui se définit comme l'atteinte à l'intégrité corporelle (exemple : blessures, de la perte de l'usage d'un membre).

Enfin, il y a le dommage moral qui consiste dans l'atteinte à des intérêts extra-patrimoniaux (exemple : douleur consécutive à la perte d'un être cher).
Le juge doit réparer l'intégralité du dommage, soit en nature, soit, le plus souvent, par équivalent, c'est-à-dire sous forme de dommages-intérêts. En matière contractuelle, les parties peuvent prévoir les conséquences de la responsabilité soit en fixant un montant de dommages-intérêts (clause pénale*) soit en limitant les conséquences de la responsabilité. Ces clauses ne sont cependant pas systématiquement valables.

Enfin, pour que la responsabilité délictuelle puisse être retenue à l'encontre d'une personne, encore faudra-t-il prouver que le fait générateur est bien à l'origine du dommage. Il sera alors nécessaire de prouver le lien de causalité entre le fait dommageable et le dommage. Par exemple, il s'agira de déterminer si une personne victime d'un accident de la circulation et qui a été transfusée avec du sang infecté par le virus du sida doit se retourner contre l'auteur de l'accident ou contre le praticien qui a effectué la transfusion pour obtenir la réparation des préjudices consécutifs à cette contamination.

La question de la causalité est cruciale en pratique. Quand la responsabilité est présumée, elle permet au responsable prétendu de s'exonérer en montrant que le dommage a été causé par le fait de la victime ou par une cause étrangère (force majeure* ou fait d'un tiers).

S'il y a plusieurs responsables, la causalité permet de répartir la contribution de chacun à la dette de réparation due à la victime. Il est fréquent que les co-responsables soient tenus pour le tout (in solidum*) à l'égard de la victime, quitte à se retourner ensuite les uns contre les autres en fonction de leurs parts contributives.

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