Tunisie

jeudi 9 décembre 2010

WikiLeaks : rejet total des requêtes déposées par OVH (MàJ)


Un petit match de requête
Justice

Mise à jour 8/12/2010 : Comme annoncé, les tribunaux de Lille et Paris ont rejeté par deux fois la requête d’OVH.

Le juge du TGI de Paris a estimé que la société « ne démontre pas les éléments fondant de déroger au principe du contradictoire, alors que la société Octopuce [l’hébergeur, ndl] doit être en mesure de communiquer les données de nature à permettre l’identification de l’auteur ayant contribué à la création du contenu litigieux ». Le juge invite donc à basculer sur une procédure contradictoire, plutôt qu’une requête unilatérale. Procédure rendue possible puisque le véritable hébergeur de Wikileaks en France est censé disposer des informations d’identification.

Le juge du TGI de Lille a lui rejeté pour une raison plus directe : « il ne [nous] appartient pas, hors toute instance liée entre des parties, de dire si la situation décrite est ou non constitutive d’un trouble manifestement illicite ». Le juge rétablit les règles du jeu : c’est à la société OVH « si elle estime que sa responsabilité peut être engagée, d’elle-même suspendre l’hébergement des sites Wikileaks, sous nécessité d’une autorisation judiciaire pour ce faire ».

A Eric Besson maintenant de prendre ses dispositions s'il estime Wikileaks illicite.

Première diffusion 7/12/2010
Les liens contractuels entre OVH et Wikileaks n’auront d’aucune manière été détruits par la justice française. À Paris ou Lille, les tribunaux français n’ont pas trouvé de levier sur lequel agir pour couper ces liens, du moins dans les procédures initiées par OVH.


OVH wikileaks LCEN
En fin de semaine dernière, Éric Besson saisissait ses services pour savoir « dans les meilleurs délais possibles quelles actions peuvent être entreprises afin que [Wikileaks] ne soit plus hébergé en France, et que tous les opérateurs ayant participé à son hébergement puissent être dans un premier temps sensibilisés aux conséquences de leurs actes, et dans un deuxième temps placés devant leurs responsabilités ».

Wikileaks, un site criminel selon Besson

Selon le ministre, « on ne peut héberger des sites internet qualifiés de criminels et rejetés par d'autres États en raison d'atteintes qu'ils portent à leurs droits fondamentaux » (…) « La France ne peut héberger des sites internet qui violent le secret des relations diplomatiques et mettent en danger des personnes protégées par le secret diplomatique ». « Quantité de personnes sont menacées de mort. » « Un site criminel pour un pays démocratique et ami ne peut être hébergé en France », etc.

OVH a un statut un peu particulier : ni hébergeur, ni éditeur du site, ni pour ni contre Wikileaks résume son fondateur sur le forum interne. Toutefois, l’entreprise souhaitait garantir son image des attaques de l’ex-ministre de l’Immigration sollicitant l’expulsion de Wikileaks hors de France : « il ressort de ces propos que les plus hautes autorités de l’État considèrent le site WikiLeaks comme illicite, qu’il porterait atteinte à l’ordre public et que son hébergement devrait être suspendu sans délai. »

Quel contenu manifestement illicite ?

Voilà donc un prestataire enfermé dans une position intenable : à considérer OVH comme hébergeur, l’entreprise ne trouve aucun contenu « manifestement illicite », comme dit la LCEN. Du coup : que faire ? Où placer le curseur entre liberté d’expression du site de Julian Assange, et les accusations alléguées par les plus hautes autorités de l’Etat ?

La confusion est d'autant plus trouble qu’OVH « n’a reçu aucune notification à transmettre à notre client [Wikileaks]. Peut-être lui, en a-t-il reçue une directement. Ça, on ne le sait pas. En tout cas, Ovh n'a rien reçu ».

L’entreprise française sollicitait donc toutes les ficelles juridiques pour se protéger des coups de ciseaux ministériels. « Vendredi donc à 16h, nous avons fait une demande {sur requête, non contradictoire, NDLR] très très rapide auprès du TGI de Lille. Elle a été rejetée avec les motivations suivantes: "Rejetons la demande, la société Ovh ne justifiant pas de la nécessité pour elle d'obtenir une autorisation judiciaire pour suspendre l'hébergement du site internet ».

Le juge bottait en touche. C’est peu de le dire, la procédure a été menée avec célérité : un dossier monté à 16h, et un juge qui se prononce vendredi à 17h30. « Nous [avions] simplifié la requête au maximum en stipulant qu'Ovh était l'hébergeur du site (ce qui n'est pas le cas, mais ça permettait de la faire dès vendredi) »

Deux nouvelles procédures unilatérales, à Lille et Paris

L'entreprise passait alors en phase 2 : comme le devinait Benoit Tabaka dans nos colonnes, la procédure s’est basée sur l’article 6-1-8 de la LCEN qui prévoit que « l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

OVH : « nos avocats ont travaillé tout le week-end pour préparer une requête complète avec toutes les pièces nécessaires. Cette requête [unilatérale, NDLR] a été présentée et plaidée aujourd'hui auprès d'un juge au TGI de Lille et un autre de Paris en même temps. Le juge de Lille a confirmé sa décision de vendredi. Nous n'avons pas encore le document signé de sa main avec les motivations exactes ». (2ème requête lilloise, 1er requête parisienne)

Du côté des juridictions parisiennes, OVH décrit une véritable partie de ping-pong : « Le juge de Paris a dit que l'affaire était complexe et a demandé que le requête soit plaidée auprès du premier Vice-président du TGI de Paris. Ça a été fait. Il était d'avis que notre demande devait être rejetée, mais a demandé l'avis du Président du TGI de Paris qui lui n'était pas de cet avis, et ce dernier a renvoyé le dossier auprès du 1er juge qui, lui, après réflexion a rejeté notre demande au motif qu'un tel dossier nécessitait un débat contradictoire. Nous n'avons pas encore le document signé de sa main, nous l'aurons demain et nous allons le publier ».

Avoir fait le maximum

Avoir un débat contradictoire, c’est agir contre quelqu’un et OVH se voit mal d’assigner et d’accuser son client pour des éléments illicites que ni l’entreprise ni les juges parisiens ou lillois ne parviennent à dénicher. « Au niveau d'Ovh, le prestataire technique, nous estimons avoir fait le maximum pour clarifier la situation juridique du site par rapport à Ovh. En tout cas, nous avons essayé d'être le plus transparent possible. »

La balle est maintenant dans le camp d’Éric Besson, si ce n’est dans son pied. Il devra démontrer une illicéité évidente de Wikileaks dans le cadre d’une requête (unilatérale) ou alors engager une bataille juridique contre Wikileaks dans le cadre d’un référé (procédure contradictoire).

En attendant, les sites miroirs de Wikileaks hébergés à travers le monde se comptent maintenant par centaine.

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