« Les conditions sont créées, l’armée peut intervenir en banlieue »
Dans "Opération banlieues", Hacène Belmessous explique comment l'Elysée s'apprête à mener une guérilla urbaine au coeur des quartiers populaires.
« Un jour, on me confie que dans une ville du Sud de la France, un projet de rénovation urbaine comprend dans sa commission des architectes, des bailleurs sociaux, des élus plus un représentant du Ministère de l’Intérieur. Il s’était opposé à un des éléments du programme de démolition. La police travaillant sur la contre-guérilla, cette démolition risquait de contrecarrer le projet policier ».
C’est à partir de cette anecdote qu’Hacène Belmessous, chercheur indépendant travaillant sur les questions urbaines et également éditeur, a décidé de se lancer dans une vaste enquête de terrain, allant à la rencontre d’élus, d’habitants, de cadres de l’armée et de la police, ainsi que des associations. Le résultat de son investigation a donné lieu à un ouvrage, « Opération Banlieue : Comment l’Etat prépare la guerre dans les cités ».
Nous rencontrons l’auteur à l’Observatoire des Armements (4e arrondissement). Une trentaine de personnes est venue assister à la rencontre-débat. Certains ont même fait le déplacement depuis Saint-Etienne.
Le constat semble effrayant à en croire les informations révélées dans le livre. L’année 2003 marque une rupture dans la politique de la ville. L’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine pilotée par J.L. Borloo ) est présentée comme une « machine de guerre » qui doit renouveler ses territoires qui ne souffrent non pas de marginalisation mais des individus qui y vivent. « Jusqu’en 2002, la politique de la ville devait injecter du droit commun auprès des territoires relégués. 2003 marque une rupture dans la rhétorique : insécurité, délinquance, immigration ».
Lorsqu’il alla à la rencontre de la police et de l’armée, Hacène Belmessous fut surpris de la facilité de ces derniers à se confier : « Les représentants de la Police nationale se sont ouvertement confiés et pour eux il est logique que la police soit un acteur incontournable dans la rénovation des quartiers ».
Le cas des rénovations urbaines amorcées en Seine-Saint-Denis est exemplaire à plusieurs titres, « un laboratoire d’excellence de la police » indique l’auteur. La police, et non plus l’Etat, devient le garant du Contrat social. Il cite l’exemple en région parisienne, du quartier de la Grande Borne à Grigny dans l’Essonne : «Un dispositif de 14 escadrons de CRS contrôle le territoire, disant qu’ils sont en guerre ». Ou encore aux Murreaux où un hélicoptère vole toutes les nuits au dessus du quartier éclairant ainsi les troupes au sol sur une distance de 100 mètres. Ajoutant : « il ne manque plus qu’un déclencheur : la mort d’un policier ».
L’auteur pointe également une privatisation du service public à travers la délégation de la sécurité public, par exemple. Des bailleurs sociaux font appel à des entreprises de sécurité privées comme c’est le cas à Vénissieux, aux Minguettes, où des agents de sécurité privés gardent l’entrée de certains immeubles : « Finalement le lien démocratique est dévitalisé. Les banlieues donnent une résonance externe à toute cette régression politique des questions sociales » dénonçant ainsi une gestion spécifique des quartiers populaires à travers un zonage du territoire à travers l'emploi de code et de sigles pour nommés certains quartiers (par exemple à Bron aux UC qui signifie Unité de Construction).
Certaines opérations de contrôle des foules sont des répliques du « savoir-faire français » vanté par Michèle Alliot-Marie et comme ce fut le cas le 22 octobre dernier à Lyon place Bellecoure où lplusieurs centaines de personnes ont été encerclées pensant plusieurs heures. La police aurait, selon plusieurs sources, exercée un triage ethnique, ne laissant sortir au bout d’un moment, que les personnes de type « européen ».
Certains groupes d’intervention de la police travaillent conjointement avec des militaires notamment à Saint-Astier où ces derniers s’entraînent en situation de guérilla, reproduisant un champ de bataille urbain.
Comment un gouvernement, dans une démocratie, peut-il avoir l’idée de préparer une guerre contre sa propre population, à l’instar des insurgés libyens, soutenus par la France entre autres et bombardés par Kadhafi ?
« Les conditions sont créées, l’armée peut intervenir en Banlieue ». Certains discours de Nicolas Sarkozy font référence à un « ennemi intérieur ». La loi le permet, depuis le Livre Blanc de 2008, texte qui régit l’organisation de l’armée (il y en a eu trois depuis 1958) de mettre sur pied une armée de dix mille hommes, mobilisables à tout moment en cas de « danger intérieur », terme vague et mal défini qui laisse le champ libre à l’interprétation. De plus, étant donné qu’il ne s’agit pas de projection externe, de guerre à l’étranger, alors le débat parlementaire n’est pas obligatoire.
De fait, la loi laisse à l’appréciation du chef de l’Etat le choix de lever une armée en cas de pandémie, de catastrophe naturelle et de crise. Or comment définir une crise ?
"Opération banlieues: comment l'Etat préparent la guerre dans les cités françaises" Edition La Découverte. sortie en Ocrobre 2010.
C’est à partir de cette anecdote qu’Hacène Belmessous, chercheur indépendant travaillant sur les questions urbaines et également éditeur, a décidé de se lancer dans une vaste enquête de terrain, allant à la rencontre d’élus, d’habitants, de cadres de l’armée et de la police, ainsi que des associations. Le résultat de son investigation a donné lieu à un ouvrage, « Opération Banlieue : Comment l’Etat prépare la guerre dans les cités ».
Nous rencontrons l’auteur à l’Observatoire des Armements (4e arrondissement). Une trentaine de personnes est venue assister à la rencontre-débat. Certains ont même fait le déplacement depuis Saint-Etienne.
Le constat semble effrayant à en croire les informations révélées dans le livre. L’année 2003 marque une rupture dans la politique de la ville. L’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine pilotée par J.L. Borloo ) est présentée comme une « machine de guerre » qui doit renouveler ses territoires qui ne souffrent non pas de marginalisation mais des individus qui y vivent. « Jusqu’en 2002, la politique de la ville devait injecter du droit commun auprès des territoires relégués. 2003 marque une rupture dans la rhétorique : insécurité, délinquance, immigration ».
Lorsqu’il alla à la rencontre de la police et de l’armée, Hacène Belmessous fut surpris de la facilité de ces derniers à se confier : « Les représentants de la Police nationale se sont ouvertement confiés et pour eux il est logique que la police soit un acteur incontournable dans la rénovation des quartiers ».
Le cas des rénovations urbaines amorcées en Seine-Saint-Denis est exemplaire à plusieurs titres, « un laboratoire d’excellence de la police » indique l’auteur. La police, et non plus l’Etat, devient le garant du Contrat social. Il cite l’exemple en région parisienne, du quartier de la Grande Borne à Grigny dans l’Essonne : «Un dispositif de 14 escadrons de CRS contrôle le territoire, disant qu’ils sont en guerre ». Ou encore aux Murreaux où un hélicoptère vole toutes les nuits au dessus du quartier éclairant ainsi les troupes au sol sur une distance de 100 mètres. Ajoutant : « il ne manque plus qu’un déclencheur : la mort d’un policier ».
L’auteur pointe également une privatisation du service public à travers la délégation de la sécurité public, par exemple. Des bailleurs sociaux font appel à des entreprises de sécurité privées comme c’est le cas à Vénissieux, aux Minguettes, où des agents de sécurité privés gardent l’entrée de certains immeubles : « Finalement le lien démocratique est dévitalisé. Les banlieues donnent une résonance externe à toute cette régression politique des questions sociales » dénonçant ainsi une gestion spécifique des quartiers populaires à travers un zonage du territoire à travers l'emploi de code et de sigles pour nommés certains quartiers (par exemple à Bron aux UC qui signifie Unité de Construction).
Certaines opérations de contrôle des foules sont des répliques du « savoir-faire français » vanté par Michèle Alliot-Marie et comme ce fut le cas le 22 octobre dernier à Lyon place Bellecoure où lplusieurs centaines de personnes ont été encerclées pensant plusieurs heures. La police aurait, selon plusieurs sources, exercée un triage ethnique, ne laissant sortir au bout d’un moment, que les personnes de type « européen ».
Certains groupes d’intervention de la police travaillent conjointement avec des militaires notamment à Saint-Astier où ces derniers s’entraînent en situation de guérilla, reproduisant un champ de bataille urbain.
Comment un gouvernement, dans une démocratie, peut-il avoir l’idée de préparer une guerre contre sa propre population, à l’instar des insurgés libyens, soutenus par la France entre autres et bombardés par Kadhafi ?
« Les conditions sont créées, l’armée peut intervenir en Banlieue ». Certains discours de Nicolas Sarkozy font référence à un « ennemi intérieur ». La loi le permet, depuis le Livre Blanc de 2008, texte qui régit l’organisation de l’armée (il y en a eu trois depuis 1958) de mettre sur pied une armée de dix mille hommes, mobilisables à tout moment en cas de « danger intérieur », terme vague et mal défini qui laisse le champ libre à l’interprétation. De plus, étant donné qu’il ne s’agit pas de projection externe, de guerre à l’étranger, alors le débat parlementaire n’est pas obligatoire.
De fait, la loi laisse à l’appréciation du chef de l’Etat le choix de lever une armée en cas de pandémie, de catastrophe naturelle et de crise. Or comment définir une crise ?
"Opération banlieues: comment l'Etat préparent la guerre dans les cités françaises" Edition La Découverte. sortie en Ocrobre 2010.