Interview de Kamel ElTaïef dans Leaders Mag – juillet 2011
Kamel ElTaïef : Il faut que justice soit rendue, mais sans rancune, ni vengeance, la Tunisie nouvelle a besoin de tous ses enfants
Comment vous sentez-vous depuis le 14 janvier ?
AIHamdou Lellah,Win Konna WinSbahna ! Eh oui ! Et comment ! En2001, j’ai été jeté en prison pour avoir (juste) traité le régime de Ben Ali de régime mafieux et corrompu. Dix ans après, et c’est court dans la vie d’un peuple, j’ai la chance d’assister à la fuite honteuse du tyran et à l’écroulement de son régime qu’on croyait indestructible.
Des jeunes qui n’avaient pour toute arme, face à la répression impitoyable, que leur courage et leurs idéaux, ont eu raison d’un régime des plus tyranniques. Plusieurs d’entre eux sont morts en martyrs.D’autres amis qui ont lutté pour vivre ce jour sont décédés avant. J’ai une pensée émue particulièrement pour Si Mohamed Chorfi. Si Hichem Gribaa, Si Daly Jazi et tant d’autres… Je suis sûr que là où ils sont, ils sont en paix et heureux pour la Tunisie.
Beaucoup d’autres, militants infatigables des droits de l’Homme, avec à leur tête la Ligue et son Président, qui n’ont jamais plié, de simples militants de partis ou d’associations, hommes et femmes, tous ont connu la torture, la prison ou le bannissement, pour que la Tunisie jouisse aujourd’hui de cette liberté tant rêvée !
Vous voyez pourquoi je me sens bien !
Pourtant d’aucuns trouvent que les choses ne bougent pas !
Vous savez, on ne bascule pas facilement et automatiquement d’un régime totalitaire qui a monopolisé le pouvoir. tous les pouvoirs, exécutif. législatif et judiciaire, et qui a régné d’une main de fer, muselant toutes les voix et tous les espaces de liberté, à un régime démocratique.
Vous voulez parler de la sécurité qui est lente à se rétablir. Au jugement des symboles de la corruption et de la dictature, à la création d’emplois qui reste insuffisante par rapport aux besoins, bref à la réalisation des aspirations du peuple, tout ce pourquoi il s’est révolté. Vous savez, après tant d’années de dictature, de brimades et de refoulement, il est normal qu’il y ait une explosion des libertés, des revendications sociales et économiques et une volonté pour que la liberté d’expression soit totale, sans contrainte, parfois à la limite de la diffamation. Mais les médias et les journalistes sont en train de s’organiser.de se former pour faire face à ce nouveau contexte, respecter l’information, la transmettre en toute objectivité, sans parti pris ni autocensure, c’est ce nouvel équilibre que les médias sont en train de rechercher et les choses s’améliorent à vue d’œil !
Il est tout à fait compréhensible que la société civile cherche à s’organiser et à s’exprimer et qu’il y ait près de cent partis, et plus de 500 nouvelles associations. Rappelez-vous, en Espagne, lors de la transition il y a eu plus de 200 nouveaux partis. Il n’en est resté que 4 ou 5, je crois. C’est ce qui s’est également passé dans les pays de l’Est lors de l’écroulement du mur de Berlin en 1989. Je suis convaincu que les choses se décanteront d’elles-mêmes après les élections, d’ailleurs on commence à voir déjà des rapprochements et même des fusions entre partis.
Je comprends parfaitement, aussi, que des jeunes, diplômés du supérieur après avoir passé dix et parfois quinze ans d’études et se retrouvent sans emploi, à la charge de leurs familles, celles qui se sont sacrifiées pour financer leur scolarité s’impatientent et manifestent vivement leur légitime demande, afin d’attirer l’attention et crier leur désespoir. parfois de manière brutale. Je comprends également que des ouvriers, occupant souvent des emplois pénibles et précaires, se révoltent et crient à l’injustice. Il est normal que des régions marginalisées qui ont été maintenues à l’écart de la croissance pendant des décennies et qui ont payé le prix fort pour cette révolution exigent que leurs conditions de vie s’améliorent et changent rapidement.
Cela dit, on ne peut pas dire que les choses ne bougent pas, l’héritage est lourd, tant sur le plan social, politique qu’économique. Personne ne détient une baguette magique capable d’effacer immédiatement les disparités régionales, créer plus de 700 000 emplois, réaliser des infrastructures de base dans les régions défavorisées, supprimer la corruption, réparer les injustices, mettre en place des institutions crédibles et solides qui assurent la participation du peuple à la décision. Tout cela demandera du temps, de l’effort, de la patience et des moyens financiers importants. Mais rien ne se fera sans l’adhésion et le soutien actif des citoyens. Nous devons reconnaître qu’en peu de temps, le Gouvernement de transition de M. Béji Caïd Essebsi a beaucoup fait pour satisfaire une partie de ces revendications. Il y a déjà des débuts de résultats non négligeables: création des trois grandes commissions (pour réparer les injustices, réformer les institutions politiques et traquer et punir les dépassements et prévarications). Elles se sont attelées au travail et ont déjà de premiers résultats à présenter (feuille de route pour l’élection de l’Assemblée constituante. code électoral. des dossiers transmis à la justice … ). Des allocations aux chômeurs diplômés ont été servies. Des programmes pour lutter contre le chômage et les inégalités régionales ont été élaborés pour offrir des chances égales à tous les citoyens… Je ne défends pas le Gouvernement. mais je suis réaliste. Même si, moi aussi, mon impatience est grande, comme celle de tous les Tunisiens.
Oui mais cinq mois se sont déjà écoulés depuis la révolution. Comment faire évoluer plus rapidement les choses sur les plans politique. social et économique ?
Je pense qu’il est temps qu’un consensus se dégage autour de la nécessité de passer à une autre étape dans la lutte contre les aspects négatifs relevés durant ces cinq mois : les atteintes à la liberté d’ autrui, les blocages des voies de circulation et des usines, la destruction des biens d’équipement qui ont coûté près de 3 milliards de dinars, les grèves sauvages qui ont augmenté de près de 325% et les revendications excessives qui effraient les investisseurs locaux et étrangers et ont déjà entraîné la fermeture de plusieurs usines, l’augmentation du nombre de chômeurs et qui risquent d’entrainer le pays à la faillite.
Je ne veux pas être alarmiste, mais tout le capital sympathie que la révolution tunisienne a gagné et accumulé de par le monde risque de s’étioler si nous tous, simples citoyens, partis, organisations syndicales et associations. Ne prenons pas nos responsabilités pour épauler le gouvernement dans son combat contre tous ces aspects négatifs que j’appellerai les maladies infantiles de la révolution. Les agents des forces de sécurité intérieure, police, Garde nationale et Douanes, ayant retrouvé la confiance en eux et reconquis celle du peuple, sont en train de déployer des efforts miraculeux compte tenu des moyens modestes (surtout après les destructions subies) mis à leur disposition et face à l’ampleur de la tâche pour assurer notre sécurité. Ils sont appuyés par notre vaillante armée, foncièrement républicaine et dont nous devons être fiers car elle reste un cas unique dans tout le monde arabe.
En refusant, d’abord, de réprimer le peuple, puis en s’érigeant en protecteur de sa révolution et en payant le plus lourd tribut dans la défense quotidienne de notre sécurité intérieure et extérieure, notre armée nationale, cette institution républicaine a mérité l’amour, le respect et la reconnaissance du peuple tout entier ! La justice, que beaucoup trouve lente, peut-être à cause des mauvaises habitudes héritées du passé, mais aussi des procédures incontournables, fait son travail en toute sérénité et abnégation et dans la garantie des droits des justiciables, étant donné l’énormité de la tâche, loin de tout esprit de vengeance et de recherche de sensationnel, retrouvant la confiance et le respect du peuple. La sécurité doit être rétablie. C’est une condition nécessaire à toute vie sociale et préalable à toute réforme et investissement (ne dit-on pas que le capital est peureux !). Les forces de sécurité sont là pour nous protéger, sécuriser nos biens dans le respect de la loi, il faut que la réconciliation entre le citoyen et les forces de sécurité soit totale. En effet, la justice sans la force est impuissante. Comme il est vrai également que la force sans la justice n’est que tyrannie. Sur le plan économique, je pense que l’échec du modèle de développement qui a été suivi jusque-là vient du fait qu’il a été incapable de procurer un emploi aux diplômés que le système d’enseignement continue à fournir, de créer les conditions d’un développement harmonieux et équitable de toutes les régions et de redistribuer les richesses créées entre les différentes classes sociales avec plus de justice. La révolution a eu lieu pour qu’il y ait plus de justice dans la répartition des richesses, plus d’équité dans le développement régional et l’égalité des chances devant l’emploi.
Sur le plan politique, quel régime a votre préférence : présidentiel ou parlementaire ?
Tout d’abord, quel que soit le système, ce sont les hommes qui sont chargés de l’appliquer qui le pervertissent ou, au contraire, l’enrichissent. Aussi, je ne crois pas, ou plus, en l’homme providentiel ! Il faut doter le pays d’institutions fortes et pérennes, d’une justice indépendante et au service du citoyen, la même pour tous, riches ou pauvres, d’une presse libre et indépendante et responsable, l’indépendance de la justice et la liberté d’expression doivent figurer dans la Constitution. Je pense qu’après les malheureuses expériences vécues, il y a lieu d’équilibrer les pouvoirs entre le parlement et l’exécutif. Un pouvoir présidentiel est une garantie contre l’instabilité politique étant donné la trop grande segmentation des partis. Mais, d’un autre côté, un Président concentrant les pouvoirs peut conduire à la dictature. Je pense que le modèle semblable au système portugais peut convenir à la Tunisie post-révolution.
A vous écouter, on a l‘impression que vous tracez la feuille de route d‘un parti ! Pensez-vous vous y lancer vraiment ? A moins que ce ne soit la feuille de route d‘un gouvernement de l‘ombre ?
Non je ne suis pas dans l’opposition. Je soutiens le Gouvernement de transition de toutes mes forces ! Quant au gouvernement de l’ombre, si vous voulez dire le shadow cabinet du type anglais, plus sérieusement et franchement, croyez-vous que quelqu’un de la trempe et de l’expérience de Si El Béji a besoin de quelqu’un comme moi pour le conseiller. Ce serait plutôt le contraire qui serait logique ! Mais cette affabulation de l’ombre a germé dans certains esprits bien mal inspirés, pour ne pas dire malintentionnés, qui ont accédé, par je ne sais quel miracle, à des charges auxquelles ils n’étaient pas préparés. Du coup, n’ayant pas supporté qu’on découvre leur incompétence dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités, ils ont eu recours à la théorie du complot : «l’armée et le Premier ministre préparent un mauvais coup », insinuant que les ficelles sont tirées par des gens de l’ombre… Tout cela n’est qu’élucubrations et bêtises ! La révolution ne saurait s’y prêter. Quant à Si El Béji, ce militant de la liberté m’honore de son amitié, et cela remonte aux temps lointains et encore plus, lorsque, tous deux, nous étions dans le collimateur de la police de Ben Ali. C’est moi qui apprends de lui, mais si je peux lui être de la moindre utilité, je n’hésiterai pas à le faire, d’ici. De mon simple statut de citoyen. C’est mon devoir, il le mérite bien et la Tunisie aussi. C’est là, en toute sincérité, le fond de ma pensée et la réalité de mon attitude : je soutiens le Gouvernement et je suis au service de mon pays.
Et la feuille de route pour un parti ?
Vous savez, toute ma vie durant, je n’ai jamais adhéré à aucun parti, ni à aucune organisation et aucun mouvement. Je n’ai ni l’intention d’en créer un ni d’adhérer à aucun autre. Mon seul parti ne peut être que la Tunisie !
Pourquoi vous intéressez-vous alors à la chose publique, avec tant d‘engouement pour la politique ?
Depuis mon jeune âge, j’ai été élevé dans l’amour de la patrie, je n’ai fréquenté que des gens qui étaient plus âgés que moi et plus politisés, d’où mon intérêt, ma passion pour la chose publique ! Je ne suis candidat à rien ! Je ne postule, ni pour moi, ni pour ma famille, à aucun poste, à aucun titre, à aucun privilège.
Je demeure, cependant, toujours disponible pour servir mon pays, rapprocher les points de vue, œuvrer pour la concorde des esprits afin que notre pays avance sans haine, ni vengeance. Je m’y emploie, parce que je suis convaincu qu’on ne construit pas sur la haine. A force d’entretenir les rancunes, elles ne manqueront pas d’exploser, un jour ou l’autre, avec tous les désastres contre lesquels on doit se prémunir. Je suis pour que justice soit rendue. Que ceux qui ont les mains tachées du sang des innocents, que ceux dont la justice établira la culpabilité payent pour leurs crimes. Que les autres qui ont été lâches ou passifs, face à l’injustice et aux dépassements, soient récupérés, comme cela s’est passé en Afrique du Sud. La Tunisie a besoin de tous ses enfants, pour bâtir une nouvelle ère de liberté, de justice, de dignité et de prospérité pour tous.
Quel modèle de développement ?
«Je ne suis pas un spécialiste de l’économie, mais l’étude des expériences récentes nous indique les erreurs à corriger. En effet, la tentative de développement et d’exploitation des ressources locales essayée dans les années soixante louable, par ailleurs, parce qu’elle visait à créer le plus de valeur ajoutée localement- n’a pas eu l’effet d’entraînement espéré. L’industrie n’a pas été industrialisante, l’essaimage n’a pas eu lieu, l’usine de papier de Kasserine ou celle d’El Fouledh de Menzel Bourguiba, etc. n’ont pas, faute d’infrastructures, entraîné le développement des régions intérieures où elles ont été pourtant implantées ! L’autre tentative initiée dans les années soixante-dix, prenant le contrepied de l’expérience précédente, axant le développement sur la petite et moyenne entreprise et encourageant l’initiative privée tunisienne et étrangère, n’a pas particulièrement soutenu le développement régional, puisque les implantations, malgré les encouragements fiscaux et l’octroi des terrains au dinar symbolique, n’ont progressé que de trente kilomètres, en cinquante ans (de Tunis à Jbel Oust ou de Sousse à Jammel !) De ces expériences, il en ressort que l’investisseur, plus que d’encouragements fiscaux, a besoin d’infrastructures efficientes (autoroutes, TIC, voies ferrées… ), d’équipements collectifs de qualité, de bonnes écoles, d’hôpitaux dispensant des soins de bonne qualité, des équipements sportifs et culturels…
Je suis un social libéral. Je crois aux forces du marché pour optimiser les allocations de ressources qui sont de plus en plus rares et chères. Je crois dans l’initiative privée qu’il faut encourager. Comme il me paraît nécessaire de cultiver, à travers le système éducatif. l’esprit entrepreneurial. Nous devons former des créateurs d’emplois et non pas des demandeurs d’emploi. L’Etat doit, cependant, conserver un grand rôle dans la régulation de l’économie. à travers une politique fiscale et sociale à même d’assurer une répartition plus équitable des richesses. Bien sûr, l’Etat conservera également toutes les fonctions régaliennes en matière de sécurité, de santé et d’éducation. Je pense, également, que les secteurs stratégiques tels que le transport (ferroviaire, aérien et maritime), l’énergie et l’eau doivent continuer à relever du secteur public.
L’Etat peut également engager, en l’absence d’initiative privée qu’elle doit susciter par des mesures incitatives appropriées, la réalisation de grands projets structurants qui permettent au tissu des PME/PMI de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’importation, d’accroître la valeur ajoutée nationale et de «remonter les filières ».
L’encouragement des PME/PMI est indispensable, à travers des financements adaptés. Les institutions existantes, BTS, BFPME, les sociétés régionales de financement, doivent être réformées pour répondre à ces objectifs de création d’emplois et de décentralisation. La création d’emplois pérennes et durables passe nécessairement par l’investissement qu’il faut attirer, sécuriser et encourager.
L’agriculture est un secteur fondamental dans le développement économique et social du pays. Elle constitue un vecteur important du développement régional. C’est pourquoi elle doit être réorientée afin que la valeur ajoutée se crée dans la région. Ainsi, les programmes de cultures doivent tenir compte des spécificités des cartes agricoles de façon à créer une masse critique favorisant l’implantation d’usines de transformation rentables. La superficie des terres cultivables de notre pays est réduite. Nous n’avons pas de grandes plaines labourables.
Aussi, plutôt que la quantité nous devons viser l’intensification de la production (meilleure exploitation des périmètres irrigués), la qualité et l’accroissement de la valeur ajoutée de nos produits (des produits bio très demandés à l’exportation, de l’huile et du vin, en créant des marques labellisées, et en encourageant l’exportation en bouteille plutôt qu’en vrac). La petite agriculture qui représente près des deux tiers des exploitations agricoles ne doit plus rester marginalisée et traitée comme un problème social mais aidée et intégrée dans le circuit économique. Elle peut être très rentable et contribuer à la réalisation de l’autosuffisance alimentaire.
Le secteur des services (tourisme, transport, finance… ) doit également être réorienté pour une plus grande décentralisation, un tourisme diversifié et non plus presque exclusivement balnéaire et de masse. La qualité de la formation et des services offerts est à renforcer totalement. tout comme le tourisme vert, le tourisme archéologique, etc. Au niveau bancaire et financier, notre retard se creuse vis-à-vis de nos concurrents (le Maroc, le Liban… ).
Une réforme globale et profonde du système bancaire et financier est urgente et gagnerait à être développée à travers des partenariats à l’international. Cette révolution s’est faite contre l’injustice et pour la dignité. Aussi, la caisse de compensation doit-elle être maintenue, mais doit mieux cibler les populations qui en ont le plus besoin. Le développement et la croissance doivent être plus équitablement et durablement partagés entre tous les citoyens».
Et les relations extérieures ?
«Les déterminants dans les relations extérieures sont l’ histoire et la géographie, la Tunisie est arabe et sa religion est l’islam. Cela détermine déjà sa sphère première. La Méditerranée a toujours été un lac de rencontre et non une frontière naturelle comme les océans. C’est pourquoi la Tunisie de par sa position géographique a toujours été une terre de rencontre et de fécondation des différentes civilisations : phénicienne, romaine, byzantine, arabe et ottomane. Elle a été un trait d’union entre l’Occident et l’Orient, entre le Nord et le Sud. La Tunisie a toujours eu un rayonnement qui a toujours été plus grand que sa superficie ! C’est ce rayonnement qu’il faut rétablir parce qu’il a été absent pendant le régime déchu.
Nous sommes liés à la Communauté européenne par un contrat d’association, près de 80% de nos exportations et de nos importations se font avec elle. Il y a lieu de préserver et d’améliorer ce partenariat pour qu’il conduise, pourquoi pas, à la libre circulation des personnes et des biens.
J’ai bon espoir de croire que la révolution qui s’est étendue à d’autres pays arabes va conduire à des relations économiques et politiques réelles, au-delà des motions et slogans brandis à l’occasion des divers sommets de la Ligue arabe et que l’UMA se réveillera de sa léthargie pour dépasser les à peine 3% d’échange.
Il ne faut surtout pas oublier nos relations séculaires avec les Etats-Unis d’Amérique qui remontent à plus de 200 ans et le soutien que ce pays a apporté à l’indépendance de la Tunisie lors de l’évacuation de Bizerte, mais aussi même lors de l’agression contre .Hammam-Chatt (pas de veto contre une motion condamnant Israël et c’était une première en la matière) et à présent, l’appui moral et matériel à la révolution, citée en exemple dans le monde arabe par le président Obama.
Il faut préserver cette amitié et la développer. Il en est de même avec les autres puissances comme la Chine et la Russie qui nous ont souvent aidés. La Tunisie doit demeurer, comme elle l’a toujours été, tout au long de son histoire, hormis la période de l’ancienne dictature, grande par son rayonnement et par sa contribution à la défense de la paix et des causes justes dont, la toute première, l’édification d’un Etat palestinien libre sur tous les territoires occupés avec AI-Qods comme capitale».
Source : Leaders Mag juillet 2011
Comment vous sentez-vous depuis le 14 janvier ?
AIHamdou Lellah,Win Konna WinSbahna ! Eh oui ! Et comment ! En2001, j’ai été jeté en prison pour avoir (juste) traité le régime de Ben Ali de régime mafieux et corrompu. Dix ans après, et c’est court dans la vie d’un peuple, j’ai la chance d’assister à la fuite honteuse du tyran et à l’écroulement de son régime qu’on croyait indestructible.
Des jeunes qui n’avaient pour toute arme, face à la répression impitoyable, que leur courage et leurs idéaux, ont eu raison d’un régime des plus tyranniques. Plusieurs d’entre eux sont morts en martyrs.D’autres amis qui ont lutté pour vivre ce jour sont décédés avant. J’ai une pensée émue particulièrement pour Si Mohamed Chorfi. Si Hichem Gribaa, Si Daly Jazi et tant d’autres… Je suis sûr que là où ils sont, ils sont en paix et heureux pour la Tunisie.
Beaucoup d’autres, militants infatigables des droits de l’Homme, avec à leur tête la Ligue et son Président, qui n’ont jamais plié, de simples militants de partis ou d’associations, hommes et femmes, tous ont connu la torture, la prison ou le bannissement, pour que la Tunisie jouisse aujourd’hui de cette liberté tant rêvée !
Vous voyez pourquoi je me sens bien !
Pourtant d’aucuns trouvent que les choses ne bougent pas !
Vous savez, on ne bascule pas facilement et automatiquement d’un régime totalitaire qui a monopolisé le pouvoir. tous les pouvoirs, exécutif. législatif et judiciaire, et qui a régné d’une main de fer, muselant toutes les voix et tous les espaces de liberté, à un régime démocratique.
Vous voulez parler de la sécurité qui est lente à se rétablir. Au jugement des symboles de la corruption et de la dictature, à la création d’emplois qui reste insuffisante par rapport aux besoins, bref à la réalisation des aspirations du peuple, tout ce pourquoi il s’est révolté. Vous savez, après tant d’années de dictature, de brimades et de refoulement, il est normal qu’il y ait une explosion des libertés, des revendications sociales et économiques et une volonté pour que la liberté d’expression soit totale, sans contrainte, parfois à la limite de la diffamation. Mais les médias et les journalistes sont en train de s’organiser.de se former pour faire face à ce nouveau contexte, respecter l’information, la transmettre en toute objectivité, sans parti pris ni autocensure, c’est ce nouvel équilibre que les médias sont en train de rechercher et les choses s’améliorent à vue d’œil !
Il est tout à fait compréhensible que la société civile cherche à s’organiser et à s’exprimer et qu’il y ait près de cent partis, et plus de 500 nouvelles associations. Rappelez-vous, en Espagne, lors de la transition il y a eu plus de 200 nouveaux partis. Il n’en est resté que 4 ou 5, je crois. C’est ce qui s’est également passé dans les pays de l’Est lors de l’écroulement du mur de Berlin en 1989. Je suis convaincu que les choses se décanteront d’elles-mêmes après les élections, d’ailleurs on commence à voir déjà des rapprochements et même des fusions entre partis.
Je comprends parfaitement, aussi, que des jeunes, diplômés du supérieur après avoir passé dix et parfois quinze ans d’études et se retrouvent sans emploi, à la charge de leurs familles, celles qui se sont sacrifiées pour financer leur scolarité s’impatientent et manifestent vivement leur légitime demande, afin d’attirer l’attention et crier leur désespoir. parfois de manière brutale. Je comprends également que des ouvriers, occupant souvent des emplois pénibles et précaires, se révoltent et crient à l’injustice. Il est normal que des régions marginalisées qui ont été maintenues à l’écart de la croissance pendant des décennies et qui ont payé le prix fort pour cette révolution exigent que leurs conditions de vie s’améliorent et changent rapidement.
Cela dit, on ne peut pas dire que les choses ne bougent pas, l’héritage est lourd, tant sur le plan social, politique qu’économique. Personne ne détient une baguette magique capable d’effacer immédiatement les disparités régionales, créer plus de 700 000 emplois, réaliser des infrastructures de base dans les régions défavorisées, supprimer la corruption, réparer les injustices, mettre en place des institutions crédibles et solides qui assurent la participation du peuple à la décision. Tout cela demandera du temps, de l’effort, de la patience et des moyens financiers importants. Mais rien ne se fera sans l’adhésion et le soutien actif des citoyens. Nous devons reconnaître qu’en peu de temps, le Gouvernement de transition de M. Béji Caïd Essebsi a beaucoup fait pour satisfaire une partie de ces revendications. Il y a déjà des débuts de résultats non négligeables: création des trois grandes commissions (pour réparer les injustices, réformer les institutions politiques et traquer et punir les dépassements et prévarications). Elles se sont attelées au travail et ont déjà de premiers résultats à présenter (feuille de route pour l’élection de l’Assemblée constituante. code électoral. des dossiers transmis à la justice … ). Des allocations aux chômeurs diplômés ont été servies. Des programmes pour lutter contre le chômage et les inégalités régionales ont été élaborés pour offrir des chances égales à tous les citoyens… Je ne défends pas le Gouvernement. mais je suis réaliste. Même si, moi aussi, mon impatience est grande, comme celle de tous les Tunisiens.
Oui mais cinq mois se sont déjà écoulés depuis la révolution. Comment faire évoluer plus rapidement les choses sur les plans politique. social et économique ?
Je pense qu’il est temps qu’un consensus se dégage autour de la nécessité de passer à une autre étape dans la lutte contre les aspects négatifs relevés durant ces cinq mois : les atteintes à la liberté d’ autrui, les blocages des voies de circulation et des usines, la destruction des biens d’équipement qui ont coûté près de 3 milliards de dinars, les grèves sauvages qui ont augmenté de près de 325% et les revendications excessives qui effraient les investisseurs locaux et étrangers et ont déjà entraîné la fermeture de plusieurs usines, l’augmentation du nombre de chômeurs et qui risquent d’entrainer le pays à la faillite.
Je ne veux pas être alarmiste, mais tout le capital sympathie que la révolution tunisienne a gagné et accumulé de par le monde risque de s’étioler si nous tous, simples citoyens, partis, organisations syndicales et associations. Ne prenons pas nos responsabilités pour épauler le gouvernement dans son combat contre tous ces aspects négatifs que j’appellerai les maladies infantiles de la révolution. Les agents des forces de sécurité intérieure, police, Garde nationale et Douanes, ayant retrouvé la confiance en eux et reconquis celle du peuple, sont en train de déployer des efforts miraculeux compte tenu des moyens modestes (surtout après les destructions subies) mis à leur disposition et face à l’ampleur de la tâche pour assurer notre sécurité. Ils sont appuyés par notre vaillante armée, foncièrement républicaine et dont nous devons être fiers car elle reste un cas unique dans tout le monde arabe.
En refusant, d’abord, de réprimer le peuple, puis en s’érigeant en protecteur de sa révolution et en payant le plus lourd tribut dans la défense quotidienne de notre sécurité intérieure et extérieure, notre armée nationale, cette institution républicaine a mérité l’amour, le respect et la reconnaissance du peuple tout entier ! La justice, que beaucoup trouve lente, peut-être à cause des mauvaises habitudes héritées du passé, mais aussi des procédures incontournables, fait son travail en toute sérénité et abnégation et dans la garantie des droits des justiciables, étant donné l’énormité de la tâche, loin de tout esprit de vengeance et de recherche de sensationnel, retrouvant la confiance et le respect du peuple. La sécurité doit être rétablie. C’est une condition nécessaire à toute vie sociale et préalable à toute réforme et investissement (ne dit-on pas que le capital est peureux !). Les forces de sécurité sont là pour nous protéger, sécuriser nos biens dans le respect de la loi, il faut que la réconciliation entre le citoyen et les forces de sécurité soit totale. En effet, la justice sans la force est impuissante. Comme il est vrai également que la force sans la justice n’est que tyrannie. Sur le plan économique, je pense que l’échec du modèle de développement qui a été suivi jusque-là vient du fait qu’il a été incapable de procurer un emploi aux diplômés que le système d’enseignement continue à fournir, de créer les conditions d’un développement harmonieux et équitable de toutes les régions et de redistribuer les richesses créées entre les différentes classes sociales avec plus de justice. La révolution a eu lieu pour qu’il y ait plus de justice dans la répartition des richesses, plus d’équité dans le développement régional et l’égalité des chances devant l’emploi.
Sur le plan politique, quel régime a votre préférence : présidentiel ou parlementaire ?
Tout d’abord, quel que soit le système, ce sont les hommes qui sont chargés de l’appliquer qui le pervertissent ou, au contraire, l’enrichissent. Aussi, je ne crois pas, ou plus, en l’homme providentiel ! Il faut doter le pays d’institutions fortes et pérennes, d’une justice indépendante et au service du citoyen, la même pour tous, riches ou pauvres, d’une presse libre et indépendante et responsable, l’indépendance de la justice et la liberté d’expression doivent figurer dans la Constitution. Je pense qu’après les malheureuses expériences vécues, il y a lieu d’équilibrer les pouvoirs entre le parlement et l’exécutif. Un pouvoir présidentiel est une garantie contre l’instabilité politique étant donné la trop grande segmentation des partis. Mais, d’un autre côté, un Président concentrant les pouvoirs peut conduire à la dictature. Je pense que le modèle semblable au système portugais peut convenir à la Tunisie post-révolution.
A vous écouter, on a l‘impression que vous tracez la feuille de route d‘un parti ! Pensez-vous vous y lancer vraiment ? A moins que ce ne soit la feuille de route d‘un gouvernement de l‘ombre ?
Non je ne suis pas dans l’opposition. Je soutiens le Gouvernement de transition de toutes mes forces ! Quant au gouvernement de l’ombre, si vous voulez dire le shadow cabinet du type anglais, plus sérieusement et franchement, croyez-vous que quelqu’un de la trempe et de l’expérience de Si El Béji a besoin de quelqu’un comme moi pour le conseiller. Ce serait plutôt le contraire qui serait logique ! Mais cette affabulation de l’ombre a germé dans certains esprits bien mal inspirés, pour ne pas dire malintentionnés, qui ont accédé, par je ne sais quel miracle, à des charges auxquelles ils n’étaient pas préparés. Du coup, n’ayant pas supporté qu’on découvre leur incompétence dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités, ils ont eu recours à la théorie du complot : «l’armée et le Premier ministre préparent un mauvais coup », insinuant que les ficelles sont tirées par des gens de l’ombre… Tout cela n’est qu’élucubrations et bêtises ! La révolution ne saurait s’y prêter. Quant à Si El Béji, ce militant de la liberté m’honore de son amitié, et cela remonte aux temps lointains et encore plus, lorsque, tous deux, nous étions dans le collimateur de la police de Ben Ali. C’est moi qui apprends de lui, mais si je peux lui être de la moindre utilité, je n’hésiterai pas à le faire, d’ici. De mon simple statut de citoyen. C’est mon devoir, il le mérite bien et la Tunisie aussi. C’est là, en toute sincérité, le fond de ma pensée et la réalité de mon attitude : je soutiens le Gouvernement et je suis au service de mon pays.
Et la feuille de route pour un parti ?
Vous savez, toute ma vie durant, je n’ai jamais adhéré à aucun parti, ni à aucune organisation et aucun mouvement. Je n’ai ni l’intention d’en créer un ni d’adhérer à aucun autre. Mon seul parti ne peut être que la Tunisie !
Pourquoi vous intéressez-vous alors à la chose publique, avec tant d‘engouement pour la politique ?
Depuis mon jeune âge, j’ai été élevé dans l’amour de la patrie, je n’ai fréquenté que des gens qui étaient plus âgés que moi et plus politisés, d’où mon intérêt, ma passion pour la chose publique ! Je ne suis candidat à rien ! Je ne postule, ni pour moi, ni pour ma famille, à aucun poste, à aucun titre, à aucun privilège.
Je demeure, cependant, toujours disponible pour servir mon pays, rapprocher les points de vue, œuvrer pour la concorde des esprits afin que notre pays avance sans haine, ni vengeance. Je m’y emploie, parce que je suis convaincu qu’on ne construit pas sur la haine. A force d’entretenir les rancunes, elles ne manqueront pas d’exploser, un jour ou l’autre, avec tous les désastres contre lesquels on doit se prémunir. Je suis pour que justice soit rendue. Que ceux qui ont les mains tachées du sang des innocents, que ceux dont la justice établira la culpabilité payent pour leurs crimes. Que les autres qui ont été lâches ou passifs, face à l’injustice et aux dépassements, soient récupérés, comme cela s’est passé en Afrique du Sud. La Tunisie a besoin de tous ses enfants, pour bâtir une nouvelle ère de liberté, de justice, de dignité et de prospérité pour tous.
Quel modèle de développement ?
«Je ne suis pas un spécialiste de l’économie, mais l’étude des expériences récentes nous indique les erreurs à corriger. En effet, la tentative de développement et d’exploitation des ressources locales essayée dans les années soixante louable, par ailleurs, parce qu’elle visait à créer le plus de valeur ajoutée localement- n’a pas eu l’effet d’entraînement espéré. L’industrie n’a pas été industrialisante, l’essaimage n’a pas eu lieu, l’usine de papier de Kasserine ou celle d’El Fouledh de Menzel Bourguiba, etc. n’ont pas, faute d’infrastructures, entraîné le développement des régions intérieures où elles ont été pourtant implantées ! L’autre tentative initiée dans les années soixante-dix, prenant le contrepied de l’expérience précédente, axant le développement sur la petite et moyenne entreprise et encourageant l’initiative privée tunisienne et étrangère, n’a pas particulièrement soutenu le développement régional, puisque les implantations, malgré les encouragements fiscaux et l’octroi des terrains au dinar symbolique, n’ont progressé que de trente kilomètres, en cinquante ans (de Tunis à Jbel Oust ou de Sousse à Jammel !) De ces expériences, il en ressort que l’investisseur, plus que d’encouragements fiscaux, a besoin d’infrastructures efficientes (autoroutes, TIC, voies ferrées… ), d’équipements collectifs de qualité, de bonnes écoles, d’hôpitaux dispensant des soins de bonne qualité, des équipements sportifs et culturels…
Je suis un social libéral. Je crois aux forces du marché pour optimiser les allocations de ressources qui sont de plus en plus rares et chères. Je crois dans l’initiative privée qu’il faut encourager. Comme il me paraît nécessaire de cultiver, à travers le système éducatif. l’esprit entrepreneurial. Nous devons former des créateurs d’emplois et non pas des demandeurs d’emploi. L’Etat doit, cependant, conserver un grand rôle dans la régulation de l’économie. à travers une politique fiscale et sociale à même d’assurer une répartition plus équitable des richesses. Bien sûr, l’Etat conservera également toutes les fonctions régaliennes en matière de sécurité, de santé et d’éducation. Je pense, également, que les secteurs stratégiques tels que le transport (ferroviaire, aérien et maritime), l’énergie et l’eau doivent continuer à relever du secteur public.
L’Etat peut également engager, en l’absence d’initiative privée qu’elle doit susciter par des mesures incitatives appropriées, la réalisation de grands projets structurants qui permettent au tissu des PME/PMI de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’importation, d’accroître la valeur ajoutée nationale et de «remonter les filières ».
L’encouragement des PME/PMI est indispensable, à travers des financements adaptés. Les institutions existantes, BTS, BFPME, les sociétés régionales de financement, doivent être réformées pour répondre à ces objectifs de création d’emplois et de décentralisation. La création d’emplois pérennes et durables passe nécessairement par l’investissement qu’il faut attirer, sécuriser et encourager.
L’agriculture est un secteur fondamental dans le développement économique et social du pays. Elle constitue un vecteur important du développement régional. C’est pourquoi elle doit être réorientée afin que la valeur ajoutée se crée dans la région. Ainsi, les programmes de cultures doivent tenir compte des spécificités des cartes agricoles de façon à créer une masse critique favorisant l’implantation d’usines de transformation rentables. La superficie des terres cultivables de notre pays est réduite. Nous n’avons pas de grandes plaines labourables.
Aussi, plutôt que la quantité nous devons viser l’intensification de la production (meilleure exploitation des périmètres irrigués), la qualité et l’accroissement de la valeur ajoutée de nos produits (des produits bio très demandés à l’exportation, de l’huile et du vin, en créant des marques labellisées, et en encourageant l’exportation en bouteille plutôt qu’en vrac). La petite agriculture qui représente près des deux tiers des exploitations agricoles ne doit plus rester marginalisée et traitée comme un problème social mais aidée et intégrée dans le circuit économique. Elle peut être très rentable et contribuer à la réalisation de l’autosuffisance alimentaire.
Le secteur des services (tourisme, transport, finance… ) doit également être réorienté pour une plus grande décentralisation, un tourisme diversifié et non plus presque exclusivement balnéaire et de masse. La qualité de la formation et des services offerts est à renforcer totalement. tout comme le tourisme vert, le tourisme archéologique, etc. Au niveau bancaire et financier, notre retard se creuse vis-à-vis de nos concurrents (le Maroc, le Liban… ).
Une réforme globale et profonde du système bancaire et financier est urgente et gagnerait à être développée à travers des partenariats à l’international. Cette révolution s’est faite contre l’injustice et pour la dignité. Aussi, la caisse de compensation doit-elle être maintenue, mais doit mieux cibler les populations qui en ont le plus besoin. Le développement et la croissance doivent être plus équitablement et durablement partagés entre tous les citoyens».
Et les relations extérieures ?
«Les déterminants dans les relations extérieures sont l’ histoire et la géographie, la Tunisie est arabe et sa religion est l’islam. Cela détermine déjà sa sphère première. La Méditerranée a toujours été un lac de rencontre et non une frontière naturelle comme les océans. C’est pourquoi la Tunisie de par sa position géographique a toujours été une terre de rencontre et de fécondation des différentes civilisations : phénicienne, romaine, byzantine, arabe et ottomane. Elle a été un trait d’union entre l’Occident et l’Orient, entre le Nord et le Sud. La Tunisie a toujours eu un rayonnement qui a toujours été plus grand que sa superficie ! C’est ce rayonnement qu’il faut rétablir parce qu’il a été absent pendant le régime déchu.
Nous sommes liés à la Communauté européenne par un contrat d’association, près de 80% de nos exportations et de nos importations se font avec elle. Il y a lieu de préserver et d’améliorer ce partenariat pour qu’il conduise, pourquoi pas, à la libre circulation des personnes et des biens.
J’ai bon espoir de croire que la révolution qui s’est étendue à d’autres pays arabes va conduire à des relations économiques et politiques réelles, au-delà des motions et slogans brandis à l’occasion des divers sommets de la Ligue arabe et que l’UMA se réveillera de sa léthargie pour dépasser les à peine 3% d’échange.
Il ne faut surtout pas oublier nos relations séculaires avec les Etats-Unis d’Amérique qui remontent à plus de 200 ans et le soutien que ce pays a apporté à l’indépendance de la Tunisie lors de l’évacuation de Bizerte, mais aussi même lors de l’agression contre .Hammam-Chatt (pas de veto contre une motion condamnant Israël et c’était une première en la matière) et à présent, l’appui moral et matériel à la révolution, citée en exemple dans le monde arabe par le président Obama.
Il faut préserver cette amitié et la développer. Il en est de même avec les autres puissances comme la Chine et la Russie qui nous ont souvent aidés. La Tunisie doit demeurer, comme elle l’a toujours été, tout au long de son histoire, hormis la période de l’ancienne dictature, grande par son rayonnement et par sa contribution à la défense de la paix et des causes justes dont, la toute première, l’édification d’un Etat palestinien libre sur tous les territoires occupés avec AI-Qods comme capitale».
Source : Leaders Mag juillet 2011