Tunisie

dimanche 13 mars 2011

Bernard-Henri Lévy et le régime de Kadhafi

Benghazi (Libye), le 5 mars. Bernard-Henri Lévy et Mustapha Abdel Jalil, le président du Conseil national de transition.
Benghazi (Libye), le 5 mars. Bernard-Henri Lévy et Mustapha Abdel Jalil, le président du Conseil national de transition.


Le Conseil européen de vendredi s’est montré réservé sur la Libye. Cela vous déçoit ?
Bernard-Henri Lévy.
J’aurais aimé, bien sûr, qu’on soit plus net sur la question des frappes ciblées contre les bases aériennes de Kadhafi.
Mais, d’abord, le communiqué final ne les a pas exclues. Et, ensuite, Sarkozy a quand même obtenu que les Vingt-Sept disent, d’une seule voix : « Kadhafi, dégage. » C’est, qu’on le veuille ou non, le début de la fin pour ce bouffon sanglant et pour ses fils. Et, pour les insurgés de l’Est libyen avec qui j’ai pu parler dans la nuit de vendredi, c’est quand même une victoire.

Quel rôle avez-vous joué auprès de Nicolas Sarkozy dans la reconnaissance par la France du Conseil national de transition (CNT), l’opposition libyenne ?
Posez-lui la question. Tout ce que je peux vous dire, c’est que je lui ai téléphoné depuis Benghazi. Je suis venu le voir, ensuite, en rentrant, pour lui dire que les gens du CNT sont des gens bien, le contraire de ces islamistes que dépeint un Kadhafi aux abois. Je suis quelqu’un qui ne fait pas les choses à moitié. Je vais sur le terrain. Je rapporte un reportage sur les horreurs d’une guerre où on envoie des avions mitrailler des populations désarmées. A mon retour, je suis prêt à tout, vraiment à tout, c’est-à-dire à aller trouver Sarkozy, le pape, qui vous voudrez, pour aider à ce que s’arrête ce carnage.

Quitte à court-circuiter les diplomates ?
Quels diplomates? Ce sont les mêmes qui ont laissé la Bosnie mourir. Les mêmes qui ont dissuadé Chirac de recevoir Massoud en 2001. Les mêmes qui n’ont pas bougé un cil au moment du génocide au Rwanda. Alors, s’il vous plaît! Je ne vais pas rouvrir les vieilles querelles. Mais je ne veux pas non plus que recommence la même vieille histoire. Le côté ouvriers de la 25e heure qui attendent que les victimes soient mortes pour verser leurs larmes de crocodile ou que les résistants l’aient emporté pour voler à leur secours, ça va comme ça…

La France n’a-t-elle pas eu tort de faire cavalier seul dans cette affaire ?
C’est quoi faire cavalier seul ? C’est recevoir les émissaires d’un peuple qui se bat à mains nues contre des chars et des avions ? Eh bien vive, alors, le cavalier seul. C’est ce qu’a fait Mitterrand il y a dix-huit ans en recevant le président de la Bosnie, sorti avec moi de Sarajevo. Et c’est ce que n’a pas fait Chirac quand, à la dernière minute, il a annulé l’invitation de Massoud à Paris. Eh bien je regrette, mais Sarkozy, dans cette affaire, a été plus proche de Mitterrand que de Chirac.

Au risque de froisser nos partenaires européens ?
Ecoutez. Les « partenaires » n’auraient, de toute façon, rien fait. Ils se seraient alignés sur une Merkel qui en est encore à demander aux insurgés des certificats de morale et des examens de passage. Ou sur un Berlusconi qui, quand son ami Kadhafi a commencé à cogner, a quand même osé demander qu’on ne le « dérange » pas! Donc, je vous le répète : je n’ai pas voté pour lui; je voterai, dans un an, contre lui, mais heureusement que Sarkozy, pour le coup, a pris l’initiative.

Vous étiez à Benghazi la semaine dernière. De quoi ont besoin les insurgés libyens ?
Qu’on mette hors d’état de nuire l’aviation de Kadhafi. Deux moyens pour cela. Brouiller les systèmes de transmission et de guidage des appareils ou bombarder les pistes de décollage.